«Coyote Bill est nécessaire pour combattre le nivellement», lance Charles Papasoff, l'aîné du plus explosif des collectifs québécois actuels. Le saxophoniste ne parle pas nécessairement du nivellement par le bas, mais de la tendance générale des producteurs de musique à faire comme ceux qui ont du succès.

Le nom Coyote Bill peut faire penser à Buffalo Bill, mais ici, le Bill réfère au guitariste Olivier Bélisle, une personnalité, comprend-on, qui aurait plus tendance à s'accouder avec le coyote qu'à le chasser. Le batteur Benjamin Vigneault décrit le cas: «Bill est notre source musicale. Il libère des idées, souvent sous forme de matières organiques, et nous, on les ramasse et on les arrange jusqu'à ce que ça ait de l'allure.»

Le «nous» tout inclusif de Coyote Bill ressemble à un buisson ardent de la création musicale. La section rythmique est composée de Hugo Chaput à la basse aux cordes lourdes et du bien nommé Benjamin Vigneault, qui est effectivement le fils cadet de Gilles Vigneault, dont le nom apparaît dans les crédits de l'album éponyme Coyote Bill. Pour 90 points: quel est le nom de la seule pièce écrite conjointement par Gilles Vigneault et Martin Lizotte? Réponse: Les martiens.

Lizotte, justement, claviériste polyvalent et inventif - Loco Locass, Yann Perreault, Papa Groove -, a des antennes de martien branchées aux oreilles, ce qui lui permet d'entendre des sons inaccessibles aux terriens. Les cuivres de Coyote Bill résonnent par David Charbonneau à la trompette et Mathieu Van Vilet au trombone, instrumentistes recherchés de la génération des Robitaille, Moffatt et compagnie.

Le nonnette fou comprend finalement trois saxos: l'alto Mario Allard, surnommé le Cheval à cause de son ardeur dans le champ mélodique, et les barytons Jean-François Ouellet et Charles Papasoff. Pourquoi deux barytons, instrument grave s'il en est? «Pour que le groove dégoutte», répond Vigneault, l'oeil allumé malgré l'heure hâtive de l'entrevue.

Ce soir, sur la scène Bell, Muhammad Abdul al-Kabyyrr remplacera Van Vilet au trombone. «Quand j'ai donné les partitions à Mo, raconte Papasoff, il a souri et il a dit: «Je vais regarder ça chez moi...» Coyote Bill, c'est la désinvolture appliquée, l'irrévérence fidèle: la double-croche, elle est là et pas ailleurs! Et le beat, ici, c'est du 13/8! Devant l'offre de musique au Québec, on a avantage à peaufiner...»

Coyote Bill n'a pas, à proprement parler, de compétition ici. Comme points possibles de comparaison dans les ensembles de heavy funk, on entendra au fil de la conversation les noms de Trombone Shorty (Troy Andrews) qui, avec son sextette Orleans Avenue, a enflammé la place des Festivals il y a un an, et de Ceux qui marchent debout, fréquemment invités au Festival à la fin des années 90. Steve Coleman, voire, avec une touche de rock.

Benjamin Vigneault, un ancien élagueur resté attaché à l'essentiel, a décidé un jour de s'asseoir en arrière de ses tambours, qu'il appelle ses cans, pour se consacrer à la musique. «Moi, je veux faire le tour du monde, mais si on me payait l'avion et l'hôtel, ce serait cool...» Leaders informels du collectif où ils s'occupent de production de disque et de détails connexes, Vigneault et Papasoff travaillent à «mettre la machine sur la route».

Après sa spectaculaire résidence au Savoy du Metropolis au Festival de 2011, Coyote Bill monte ce soir sur sa première grande scène, celle de la série Groove Bell, qu'on dirait faite pour lui. Tremplin possible vers les Europes pour ce funk «psychopathe», dans la garnotte de la rue Clark.

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Coyote Bill, Scène Bell, ce soir à 22h.