Au cours des dernières années, on a vu Gianmaria Testa dans des spectacles thématiques. Cette fois, l'ex-chef de gare piémontais revient chanter les chansons de son très bel album Vitamia, entouré de quatre musiciens. «Ce sera un mélange entre l'électrique et l'acoustique, dit-il, un peu comme la vie, quoi.»

Gianmaria Testa a toujours été proche des écrivains. Sept des chansons de Vitamia ont d'ailleurs été écrites pour un spectacle construit autour d'un monologue sur le thème du travail signé par Andrea Bajani, un écrivain de Turin.

Testa raconte: «Andrea écrivait un morceau du monologue, puis il me l'envoyait et j'écrivais une chanson, et vice versa. On s'est inspirés l'un l'autre et le monologue était interprété par un formidable comédien italien, Giuseppe Battiston. Je reviens d'une longue tournée au cours de laquelle j'étais sur scène avec lui et je chantais les chansons. Ça n'était pas un concert, mais du théâtre, avec quelques chansons.»

Cette aventure artistique a donné un nouveau souffle à l'artiste italien engagé, qui avait peine à écrire à cause du cul-de-sac politique dans son pays. «Depuis presque 20 ans, l'Italie est dans une situation politique assez minable et c'est encore pire depuis la crise, explique-t-il. Dans cette situation, j'avais l'impression que chaque mot était inutile, j'écrivais et je jetais tout. Mais les chansons écrites pour ce monologue m'ont donné envie de mettre tout ça sur un disque que je considère comme une espèce de journal privé partageable avec d'autres. La première chanson [Nuovo] est dédiée à mon plus jeune fils, qui a six ans et demi, et qui est l'image même pour moi du futur possible, je dirais même du futur nécessaire. Il y a aussi une chanson sur un homme qui a perdu son travail et qui monte sur le toit de son usine, ce qui, malheureusement, se passe assez couramment en ce moment en Italie. Et il y a enfin des réflexions qui ont à voir avec l'âge que j'ai.»

Pas un rockeur

Sottosopra, la chanson de l'homme sur le toit de l'usine, est également le procès d'une télévision qui relaie l'incident et s'en désintéresse aussitôt. «La télé, plutôt que de documenter ces choses-là, les prend comme si c'était du spectacle, dénonce Testa. Ça me fout une haine et c'est pour ça que je mets des sons un peu lancinants, comme des hurlements, dans mes chansons. D'où le choix du son électrique. Mais je ne suis pas devenu un rockeur non plus, parce que j'en suis incapable.»

Testa dédie la chanson 18 mila giorni, dans laquelle se trouve le mot «vitamia», à un autre ami écrivain qui était du spectacle Quichotte et les invincibles: «Erri De Luca et moi avons vécu, d'une manière très différente, un moment dans les années 70 où on a cru sérieusement que les choses allaient changer pour le mieux. Rien de ce qu'on avait souhaité ne s'est réalisé, mais le fait même d'envisager un futur meilleur permet de vivre un présent bien meilleur.»

«J'ai des regrets pour les jeunes d'aujourd'hui, poursuit Testa. J'ai trois enfants, dont deux jumeaux de 25 ans qui ne sentent pas qu'ils font partie d'un mouvement. En ce moment, les jeunes sont très divisés, chacun essaie de se débrouiller par lui-même. Le travail en Italie est devenu précaire. On nous a parlé de flexibilité, en nous donnant l'exemple des États-Unis et du Canada où les gens sont habitués à changer souvent de travail, sauf que chez nous, du travail, il n'y en a pas. Le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans est à 36%. C'est gigantesque. Dans cette chanson que je dédie à Erri, je dis «ma vie, ramène-moi ces moments-là», pas pour revivre les mêmes moments, mais le même type d'espoir.»

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GIANMARIA TESTA, THÉÂTRE MAISONNEUVE, CE SOIR À 21h30.