Dans un speakeasy du Philadelphie des années 30 - somptueuse scénographie de Marilène Bastien -, Bessie Smith raconte sa vie. Elle raconte sa vie et chante les succès qui ont fait d'elle «l'impératrice du blues». Voilà l'essence du spectacle The Devil's Music - The Life and Blues of Bessie Smith d'Angelo Parra qui a débuté hier sous les ovations, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Dans le rôle-titre - celui de Bessie Smith qui pourrait aussi bien être celui du diable -, Miche Braden (prononcé Mickey) laisse couler sans retenue, tant comme chanteuse que comme actrice. La dame, une «big girl» comme l'était Bessie Smith, possède une voix puissante, mais a le bon goût de ne pas faire dans l'esbroufe. L'oreille francophone, par contre, peu habituée à l'accent des Noirs américains de l'époque, pourra manquer des bouts du texte d'Angelo Parra. Surtout que Bessie Smith prenait un coup solide, même dans le temps de la prohibition, qui n'a jamais nui aux débrouillards. Reste que, en voyant Miche Braden «caler» flasque après flasque, on se dit que la chose aurait pu s'intituler The Life and Booze of Bessie Smith...

Bon... À la rigueur, on peut lire la vie de la chanteuse, mais pour le blues, il faut entendre Miche Braden, qu'accompagne un trio jazz de belle tenue composé d'Aaron Graves au piano, Jim Hankins à la contrebasse et Keith Loftis, qu'on a déjà entendu au Festival avec Roy Hargrove, subtil à souhait au saxophone ténor.

Dans ce spectacle de 75 minutes sans entracte, Miche Braden interprète une douzaine de chansons, ce qui laisse beaucoup de temps à l'histoire parlée. Trop à un moment, quand il se passe 10 longues minutes sans musique. Mais quand ça décolle, on oublie vite les longueurs.

Deux pièces retiennent l'attention. D'abord St. Louis Blues, classique d'entre les classiques, qui se termine avec le saxophone soufflant dans le bas ventre de la chanteuse, qui ne s'embarrassait pas des différences quand venait le temps des «good things». I Ain't Nobody (And Nobody Cares for Me) est l'autre grand hit du spectacle et les partouzards des années 80 se souviendront de l'interprétation de David Lee Roth (I'm Just a Gigolo/I Ain't Got Nobody, 1985).

Beau moment aussi avec Aint't Nobody's Business, un blues de vaudeville à huit mesures écrit par le pianiste Peter Grainger qui a longtemps accompagné Bessie Smith.

Le contrebassiste, qui est l'oncle de la vedette à la ville, est celui qui intervient le plus souvent sur le plan théâtral tandis que le saxophoniste est «l'acteur» musical d'avant-plan. Et celui que regarde la star quand elle chante J'ai besoin d'un hot dog dans mon pain. Notre traduction, bien sûr...

Les fans de «musique du diable», les vrais, voudront entendre Miche Braden chanter la vie troublée de Bessie Smith, celle qui, en pleine gloire, accumulait les malheurs qu'elle mettait «sur le compte du blues».

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The Devil's Music - The Life and Blues of Bessie Smith à la Cinquième salle de la Place des Arts jusqu'à samedi.