Il y avait beaucoup de curiosité mais également un peu de nostalgie dans l'air samedi soir à Wilfrid-Pelletier où le public montréalais renouait avec le groupe allemand Tangerine Dream, pionnier de la musique électronique des années 70.

Des synthés vrombissent, le rideau s'ouvre et, contrairement au spectacle d'il y a 35 ans dans la même salle où on n'arrivait pas à distinguer les trois Allemands vêtus de noir dans la pénombre, on aperçoit six musiciens en chair et en os, trois femmes et trois hommes, dont un monsieur à tête blanche assis au milieu de ses claviers et son ordi. C'est Edgar Froese, qui a fondé Tangerine Dream à Berlin en 1967 et qui est encore le chef d'orchestre de ce groupe au sein duquel des cohortes de musiciens se sont succédés au fil des décennies.

Froese est encore un personnage plutôt discret qui sortira de l'ombre uniquement pour jouer du piano seul sur scène au tout début de la deuxième partie et, peu après, prendre sa guitare pour la seule et unique fois de la soirée le temps d'un duo un peu kitsch avec la saxophoniste Linda Spa. À la toute fin, Froese s'emparera d'un micro pour marmonner les noms de ses musiciens et souhaiter que son groupe ne tarde pas trop à revenir jouer pour ce public de connaisseurs.

Contrairement au trio classique des années 70 pour lequel à peu près tout passait par l'électronique, Tangerine Dream mise depuis un bout de temps déjà sur des instruments traditionnels trop souvent étouffés par les claviers et les séquenceurs. C'est particulièrement vrai du jeu de la violoniste, et violoncelliste, Hoshiko Yamane qu'on n'entendra vraiment que lorsqu'elle fera un duo avec la percussionniste Iris Camaa, ou lorqu'elle jouera du thérémine à la toute fin de la soirée.

Pendant un peu plus de trois heures, Tangerine Dream a effectué un survol de son histoire et, au rappel, le claviériste Thorsten Quaeschning a même emprunté aux Doors leur Crystal Ship dans une version qu'aurait pu faire Depeche Mode. Mais cet interminable concert aura surtout prouvé que la musique du groupe allemand a très mal vieilli.

Froese et ses complices s'en défendent depuis des décennies, mais le Tangerine Dream actuel produit une espèce de soupe au carrefour de la musique Nouvel Âge et d'un rock classique terriblement convenu sur des rythmes échantillonnés auxquels la percussionniste, si enthousiaste soit-elle, n'ajoute pas grand-chose. Les projections sur l'écran derrière, dignes d'un planétarium défraîchi ou d'un film naturaliste cheapo, contribuent à cette désagréable impression de déjà vu.

Le Tangerine Dream d'antan avait au moins le mérite d'explorer d'autres avenues avec de nouveaux outils. Celui d'aujourd'hui mise sur le tape-à-l'oeil pour faire oublier la banalité de ses compositions un peu plus rythmées que la moyenne des musiques d'ascenseur. On ne saurait reprocher à Edgar Froese de rafraîchir son oeuvre si seulement l'ajout d'instruments sur une pièce comme Stratosfear, jouée juste avant le rappel, ne nous rappelait pas que le minimalisme a parfois du bon.