Première impression au sortir du projet Ninety Miles, présenté vendredi au Club Soda: trop peu, trop court. Festival ou non, un concert sans première partie devrait durer au moins une heure et demie en incluant les rappels. Deuxième impression: sans les jeunes contributeurs cubains de l'enregistrement originel, ce projet en est devenu un autre. La sensibilité des musiciens new-yorkais n'est pas la même, même si plusieurs d'entre eux sont d'origine hispanophone.

Ninety Miles, soit la distance qui sépare la Floride de Cuba? Entre New York et... New York, on n'est plus dans les mêmes considérations.

Lorsqu'on a découvert le superbe saxophoniste David Sanchez à la fin des années 90, il repoussait d'emblée l'étiquette jazz latin, désireux de souscrire au jazz tout court. Puis il a finalement consenti à assumer son patrimoine et participé à de très beaux projets ayant renouvelé la donne, Ninety Miles est sans contredit l'un de ces projets.

Cet été, le musicien codirige une groupe qui ne compte qu'un seul percussionniste cubain et qui se réclame pourtant de la nouvelle mouvance cubaine. Également à la direction de ce projet, son collègue Stefon Harris, formidable vibraphoniste et marimbiste au demeurant, domine une esthétique qui s'éloigne du projet originel. Même si remarquable, le jeu de Nicholas Payton s'avère fort différent de celui de Christian Scott, trompettiste de l'album; techniques équivalentes dans l'absolu mais... un jeu moins percutant de Payton dans un contexte où l'on aime que ça pète, que son instrument fasse s'écrouler les murs de Jéricho.

Enfin bref, ce nouvel alignement nous offre un autre jazz,  jazz de Nueva York où l'émergence de la nouvelle musique cubaine est nettement moins apparente, même si ce jazz est traversé par les Antilles espagnoles. On aura néanmoins eu droit à de beaux moments durant cette heure et vingt minutes (soupir). Et on aura eu droit à des séquences un tantinet agaçantes : illustrations d'un ensemble dans sa prime jeunesse, c'est-à-dire parfois trop touffu, en quête de cohésion, et pas tout à fait conscient des consignes nécessaires à son intelligibilité côté sonorisation.