Née Michelle Johnson il y a 43 ans, Meshell Ndegeocello demeure une artiste culte dont l'impact historique pourrait s'avérer beaucoup plus considérable que son succès acquis en temps réel. Ainsi, des fans finis de musique iront l'entendre au Club Soda, sept ans après son dernier passage au regretté Spectrum.

C'était l'époque de The Spirit Music Jamia: Dance of the Infidel, un album visionnaire qui ne trouva aucun écho sur ce territoire. Sa sortie coïncidait avec l'effondrement de la distribution indépendante des produits physiques, l'achat en ligne était alors loin d'être devenu un réflexe pour l'amateur de musique. Trois albums ont été créés depuis: The World Have Made Me the Man of My Dreams, Devils Halo et le récent Weather.

Plusieurs avaient perdu la trace de Meshell avant que son dernier opus ne soit soutenu en 2011 par Naïve... un label français! Jointe à son domicile situé dans la région de Woodstock, soit à quelques centaines de kilomètres au nord de New York et quelques centaines au sud de Montréal, elle dit ne pas avoir encore déterminé précisément ce qui constituera exactement le programme montréalais. Weather au programme? Quelques avis sur la couleur du temps, Meshell? Bulletin météo?

«J'imagine bien reprendre chez vous des chansons de cet album, mais il pourrait aussi y avoir des reprises et d'autres idées à soumettre. Maintenant, aujourd'hui et demain. Avec d'excellents musiciens: Deantoni Parks, batterie, Chris Bruce, guitares, Jebin Bruni, claviers.»

Grooves contagieux

Traversée par toutes les formes musicales bien au-delà du jazz électrique, de la soul au punk en passant par le jazz et l'électro, Meshell Ndegeocello a toujours alterné entre la chanson et la musique instrumentale de pointe.

«Où en suis-je aujourd'hui? Je regarde derrière de manière à mieux voir devant. Dernièrement, j'ai composé la musique pour l'ouverture du National Museum of African American History and Culture à Washington. George Clinton (Parliament/Funkadelic) et Ivan Neville sont impliqués dans ce programme. Pour mener à bien ce travail, j'ai redécouvert le travail de Clinton, d'une profondeur incroyable et dont les grooves demeurent contagieux. Je viens aussi d'enregistrer une série de reprises de Nina Simone qui seront rendues publiques l'automne prochain. Mon esprit s'est plongé dans ces univers. J'ai aussi du Bauhaus en tête.»

Pour Meshell, bassiste, multi-intrumentiste, compositrice, parolière, chanteuse, leader d'orchestre, aucun clivage entre musique instrumentale complexe et pop de création n'est envisageable.

Joe Henry

«Tout est lié en moi, et je ne pense pas vraiment aux perceptions que toutes mes expressions peuvent générer. Je n'en ai pas le contrôle et je fais du mieux que je peux. Pour l'album Weather qu'a réalisé Joe Henry, par exemple, je me suis concentrée sur la forme chanson comme je l'ai déjà fait pour les albums Bitter ou Comfort Woman. Je voulais faire de très bonnes chansons après avoir traversé un cycle de musique instrumentale et de musique improvisée.

«J'aime beaucoup la musique complexe, j'aime toujours la musique pop. Assez récemment, j'ai fait une tournée fondée sur des reprises de Prince. Vous savez, ces chansons peuvent survivre à tous les arrangements, preuve de leur grande qualité. Craig Street, que je considère comme un mentor pour mon côté chanson (il avait réalisé Bitter), me disait ceci: si une chanson fonctionne bien avec un simple accompagnement de guitare ou de piano, c'est dans le sac.»

Dans le sac? On en convient, mais de là à remplir de grandes salles... Meshell demeure une artiste relativement confidentielle. D'aucuns savent qu'elle mérite beaucoup plus de reconnaissance. Elle poursuit sa route sans amertume.

«J'évite ces considérations. J'essaie de vivre une vie meilleure, j'essaie d'être une meilleure personne. J'ai vécu des hauts et des bas. Altitudes élevées et fonds de baril. J'ai été riche, j'ai été pauvre. J'essaie aujourd'hui de rencontrer autant de gens intéressants que possible, vivre un maximum d'expériences, tant et aussi longtemps que mon corps me le permettra.»

Meshell Ndegeocello se produit au Club Soda, demain, à 22h.