Melody Gardot s'amène sur la grande scène de Wilfrid-Pelletier vendredi, appuyée sur son inséparable canne, et, comme au TNM où on l'a découverte il y a quatre ans, elle entonne a cappella le spiritual No More, My Lord. Elle secoue des clochettes plutôt que de claquer des doigts, mais l'effet est le même: dès cet instant, le contact est établi entre la chanteuse de Philadelphie et cette salle comble qui sera sous son charme pendant 100 minutes.

À 27 ans, Melody Gardot est plus vamp, plus actrice que jamais. Tous les regards sont constamment fixés sur elle même si elle ne craint pas de mettre en valeur ses six musiciens, dont le batteur Chuck Staab qui l'accompagnait à ses deux visites précédentes. Chaque membre de ce groupe à géométrie variable, selon les besoins spécifiques de chacune des chansons, a droit à son moment sous les projecteurs, mais nul n'est autant sollicité que le très polyvalent violoncelliste Stephan Braun. Deux chanteuses, très class, sont également de la partie.

Melody Gardot puise abondamment dans son tout récent album The Absence, inspiré par ses voyages au Portugal, au Brésil et en Afrique que suggère le décor minimal. Elle boude son premier album et ne retient du deuxième que trois chansons dont Baby I'm a Fool. Cette chanson me comble parce que vous l'avez adoptée et que j'aime toujours la chanter contrairement à tant d'artistes qui ne peuvent plus supporter les succès qu'on leur réclame, dit-elle en substance avant de chantonner, à titre d'exemple, un bout de Living On a Prayer de Bon Jovi, ses voisins du New Jersey. Amusant.

On reconnaît évidemment les rythmes bossa de plusieurs chansons de The Absence et la musique carnavalesque de Mira, bien servie par un duo de batterie et de percussions, mais la palette de Melody Gardot est plus large que ça: elle peut également donner dans la chanson théâtrale à la Kurt Weill (Goodbye) et dans le blues (Who Will Comfort Me) qui, nous rappelle-t-elle, a enfanté le jazz.

Toujours très à l'aise, elle blague avec les spectateurs de la première rangée devant qui elle vient s'asseoir pour leur susurrer Amalia. Et son émotion est palpable quand, juste avant de chanter la douce et longuette Lisboa, elle raconte qu'elle a déjà mis les pieds à Wilfrid-Pelletier la fois où elle a posé pour le grand photographe Herman Leonard en 2009.

Après la festive Iemanja, le public lui réclame évidemment un rappel. Le contrebassiste Charnett Moffett, plutôt discret jusque-là, y va d'un dynamique solo appuyé par le batteur. Toute la bande vient les rejoindre pour une version jazzée de Summertime dans laquelle la chanteuse citera des bribes de Fever. Un très beau moment musical, comme l'avait été au tout début de la soirée le passage instrumental entre No More, My Lord et The Rain.

En plus de tous ses talents, Melody Gardot a du goût.