Si vous jetiez un oeil sur la liste des chansons qu'a interprétées James Taylor hier soir à Wilfrid-Pelletier, vous pourriez avoir l'impression que le grand sec du Massachusetts avait renoncé à surprendre son public. Pourtant, ce premier de deux spectacles en autant de soirs était assez différent de celui qu'il a donné au Centre Bell il y a quatre ans.

Après la délicieusement rockabilly Slap Leather, le chanteur pince-sans-rire a présenté son pianiste Larry Goldings qui venait de prendre son accordéon en disant: «Ça vous prouve à quel point il est prêt à se sacrifier pour ce spectacle, surtout pour vous amateurs de jazz.» Il y avait bien çà et là dans cette soirée quelques effluves de jazz, notamment dans le blues plus cool et moins rentre-dedans qu'à l'habitude de Steamroller, mais c'était d'abord un show où la musique, toutes catégories confondues, était à l'avant-plan.

Je pense à cette Country Road plus musclée, plus électrique que la jolie chanson qu'on connaît par coeur. Ou aux moments où Taylor donnait congé à ses quatre chanteurs, son saxophoniste et son trompettiste, et plutôt que de nous entraîner dans un bivouac acoustique, nous mijotait une musique riche, organique, où la pedal steel du nouveau guitariste Dean Parks était en évidence.

Toutefois la bande des 12 était rassemblée pour The Frozen Man et sa délicate montée musicale progressive. Taylor nous avait dit que son grand groupe lui avait manqué et lui a donné plusieurs occasions de s'exprimer, comme l'ont fait le batteur Steve Gadd dans Country Road et les cuivres pendant Mexico.

Évidemment, nous avons eu droit à des moments où la guitare acoustique et la voix de Taylor occupaient tout l'espace, à d'autres où les harmonies vocales de Taylor et ses quatre amis nous transportaient et à d'autres, enfin, où le chanteur s'amusait avec son public complice en lui causant en français à l'occasion. Mais, curieusement, il était moins bavard qu'il l'avait été dans l'immensité du Centre Bell les deux fois précédentes.

C'est en première partie de soirée que nous avons eu droit aux classiques Carolina In My Mind, Sweet Baby James et Fire and Rain. Taylor savait trop bien qu'il lui restait suffisamment de munitions (Shower the People, How Sweet It Is...) pour s'assurer qu'on lui réclame un rappel au cours duquel sa femme le rejoindrait pour le gros clin d'oeil du Twist de Chubby Checker.

Suffisamment de chansons qui font du bien pour que son public rentre à la maison le sourire aux lèvres. Et ce, même si le grand snoro n'a pas chanté You've Got a Friend que rêvait d'entendre ma voisine. Peut-être l'a-t-il gardée pour ce soir?