Les Montréalais l'ont découvert au sein du groupe dirigé par le trompettiste Nils Petter Molvaer, avant d'aller à la rencontre de son propre groupe qui s'amène de nouveau au FIJM. En 1998, Eivind Aarset avait ravi la critique internationale avec un album intitulé Électronique noire, toujours considéré parmi les musts du répertoire électro-jazz.

Treize ans plus tard, quatre autres albums ont été mis de l'avant par le guitariste norvégien: Light Extracts en 2001, Connected en 2004, Sonic Codex en 2007 et Live Extracts en 2010 - sous étiquette Jazzland.

Architecte paysager des sons, ce musicien a créé un langage où la lutherie numérique entretient une relation dynamique et d'autant plus singulière avec les instruments «normaux». La théâtralité de cette musique instrumentale, ses montées dramatiques, ses ambiances, ses secousses parfois violentes, ses structures très ouvertes, ses grands espaces ne cessent de fasciner.

«Lorsque j'ai commencé à greffer de l'électronique à ma musique, mon objectif était de me débarrasser de plusieurs éléments désuets de mon vocabulaire antérieur et d'ainsi trouver des avenues plus rafraîchissantes à mon jeu de guitare. Aujourd'hui, j'utilise encore beaucoup d'électronique, mais je recherche une approche plus organique», explique le musicien, joint à Oslo il y a quelques jours.

Et que signifie «plus organique», Eivind Aarset?

«Par exemple, je joue avec deux batteurs plutôt que de miser essentiellement sur des rythmes électroniques comme je l'ai fait pendant un moment. Jouée en temps réel par des instrumentistes en chair et en os, la percussion induit plus de dynamique sur scène. En fait, cette approche est plus propice à l'émergence d'événements spontanés pendant l'exécution. Avec les rythmes électroniques, la dynamique pouvait rester statique.

«La composition est très importante, tient-il à souligner, mais le jeu et le son des concerts sont aussi fondamentaux. Le principal objet de mon travail se trouve au coeur de la construction et non de son exécution technique, dans la manière qu'un concert trouve son énergie et la rend ensuite à l'auditoire.»

Issu du rock et non du jazz, Eivind Aarset peut être qualifié de coloriste. Voyez les guitaristes qu'il cite parmi ses influences cruciales: Jimi Hendrix, Terje Rypdal, Daniel Lanois, Bill Frisell, David Torn, Christian Fennesz. Sauf le grand Jimi, les autres creusent des sillons de même cousinage créatif que ceux du Norvégien, c'est-à-dire que l'esthétique globale de leur musique l'emporte sur le style et la virtuosité de ses interprètes.

«Plus j'avance, plus je m'autorise à ne pas être strict sur les emprunts stylistiques, comme par exemple mon background rock. Au départ, j'étais davantage un guitariste rock alors qu'aujourd'hui, je peux mettre cet acquis en valeur dans l'improvisation. J'écoute beaucoup de jazz, par ailleurs, et je souscris à cette esthétique même si je ne viens pas du be-bop. En fait, mon jeu de guitare est intimement lié à l'usage de la lutherie qui m'entoure. L'électronique induit certaines phrases, la relation avec mes musiciens en induit d'autres», explique le musicien.

Réduire sa musique à un genre? Un style? Très peu pour Eivind Aarset. À 50 ans, on n'a que faire de ces considérations...

«Non, je ne crois pas faire dans le nu jazz, une étiquette réductrice en ce qui me concerne. J'essaie humblement de trouver de nouvelles manières de m'exprimer tout en acceptant que certains traits de ma musique font partie de moi et ne changeront jamais. J'espère donc que mon prochain album sera rafraîchissant.»

Eivind Aarset se produit ce soir, 22h30, au Gesù, dans le cadre de la série Jazz dans la nuit.