Pas de mise en scène, pas de batterie, pas d'éclairage particulier et aucun décor. Si ce n'était pas de sa fine voix chaude, Keren Ann donnerait des spectacles d'un ennui presque mortel.

Mais dès qu'elle se met à chanter, la chanteuse aux origines multiples dégage un charme doux d'une grande féminité qui pardonne tout.

Six ans après sa dernière participation au Festival de jazz, Keren Ann était de retour devant le public montréalais, hier soir, pour présenter les chansons de son nouvel album en anglais, 101, son sixième en carrière et son premier en 4 ans.

Née en Israël, Keren Ann Zeidel et une artiste polyglotte qui a grandi aux Pays-Bas et en France. Grande collaboratrice de Benjamin Biolay, elle a écrit pour elle comme pour les autres (Henri Salvador, Emmanuelle Seigner), et elle a chanté au sein du duo Lady & Bird.

Hier soir, elle se produisait dans l'intimité de l'Astral devant aucun siège libre. Derrière sa guitare acoustique, elle avait à ses côtés un trompettiste et un guitariste électrique.

Keren Ann et ses deux complices ont brisé la glace avec la ballade romantique et brumeuse Strange Weather, qui figure sur le nouvel album, suivi de For You And I, tiré du disque Nolita, paru en 2004.

Alors qu'on se demandait pourquoi Keren Ann ne s'était pas encore adressé à la foule, la chanteuse a créé un petit malaise en demandant de parler en anglais après quelques mots en français.

On sentait que la chanteuse avait du mal à créer un lien avec les spectateurs (heureusement, la plupart étaient des fans irréductibles). Le froid s'est toutefois dissipé au son de -titre de circonstance- You Were On Fire, comme un party de maison qui lève tout d'un coup.

Avec la scène dénudée de tout artifice, et l'interprétation de Keren Ann et ses musiciens sans aucune mise en scène, le trio donnait justement un spectacle de salon dans un esprit très folk. Il y a eu une chanson a cappella et deux titres en français (Le Chien d'avant garde, Que n'ai-je), dont une en rappel qui n'était pas prévue.

Une mention spéciale aux effluves de trompette d'une douceur qu'on entend trop rarement, à la sublime ballade Not Going Anywhere et à la pulsation mélodique de My Name is Trouble, le titre le plus fort du nouvel album qui manque plutôt d'étincelles dans son ensemble.

Mais surtout, rendons hommage à cette voix au charme dévastateur à laquelle il est impossible de succomber, qui nous fait oublier que le spectacle de Keren Ann manque de tonus et qu'il est surtout destiné à un public anglophone (pourquoi ne pas avoir fait une exception pour Montréal?).



Chris Garneau en première partie

C'est le pianiste et chanteur Chris Garneau qui assurait la première partie de Keren Ann. Belle découverte: de ce que nous avons entendu, le musicien de Brooklyn à la voix sensible et délicate donne dans la musique à fleur de peau d'Iron &Wine et Damien Rice, mais au piano.

De voir un jeune pianiste chanter avec sa camisole, ses Dr. Martens et ses tatouages a quelque chose de rafraîchissant. Et que dire de sa reprise de Between The Bars d'Elliott Smith. À faire pleurer.