Une lampe sur pied s'allume à l'extrémité droite de la scène. Esperanza Spalding laisse tomber la veste, se verse une coupe de vin et s'assoit dans le fauteuil. Elle retire ses chaussures. On l'imagine relaxer dans son salon quand le rideau s'ouvre sur un trio de cordes. Belle soirée de musique de chambre en perspective.

Sauf que la Chamber Music Society de la contrebassiste et chanteuse américaine, c'est tout autre chose, comme le public du Théâtre Maisonneuve va vite le constater.

Esperanza Spalding se lève, va rejoindre les trois musiciens, empoigne sa contrebasse et nous entraîne dans un voyage qu'on voudrait sans fin.

Plus encore que le disque du même nom, ce concert de la Chamber Music Society est étonnant, touffu, tantôt enlevé, tantôt d'un calme qui confine à l'intimité, mais toujours fascinant.

La jeune femme à la crinière afro qui emprisonne la lumière a une démarche, une gestuelle, un charisme et un look peu communs.

Quand elle ondule en pinçant les cordes de son instrument géant, comme si elle faisait corps avec lui, on la regarde bouche bée tellement tout cela lui semble jouissif et spontané. Et l'on n'a pas encore parlé de cette voix qu'elle a, en totale liberté, et qui semble constamment lancer un défi aux autres instruments tout autour: qui m'aime me suive!

Tout de suite après la chanson Little Fly, un poème vieux de deux siècles de l'Anglais William Blake qu'elle a mis en musique, elle dépose sa contrebasse et se met à danser comme une jeune femme de son âge en chantonnant et en scattant sur les improvisations de son pianiste, de son batteur et de la section de cordes. Comme tout cela semble facile et amusant!

Avec elle, le standard Wild is the Wind ne ressemble en rien à la chanson que vous connaissez de Nina Simone ou de David Bowie. C'est une pièce orchestrale balayée par une tempête qui sera suivie d'une accalmie. Magnifique!

Esperanza Spalding est aussi une contrebassiste de très haut niveau qui peut en un rien de temps vous servir un jazz fort en swing avec son pianiste et son batteur.

À 26 ans, Dieu sait où la mènera un pareil talent. Mais on a le goût de la suivre.