Pour coiffer le 31e FIJM en salle, la Louisiane, donc. Après le spectacle charmant du néo-orlénais Allen Toussaint au Gesù ce dimanche (humour, compétence, sagesse, et quelle carrière de songwriter!), le Théâtre Jean-Duceppe était pas mal plein ce lundi pour accueillir le maestro et ainsi goûter chaque note de son Bright Mississippi, un album effectivement savoureux - étiquette Nonesuch.

Sur scène, la pièce-titre donne le ton illico. Le style pianistique de Toussaint puise essentiellement dans les styles élaborés entre 1890 et la fin des années 30. Le jazz primitif, en fait. Le blues, le stride, le rythme syncopé d'avant le swing. La trompette de Nicholas Payton et la clarinette de Don Byron ont tôt fait de créer la même impression qu'à l'écoute de cet album des plus séduisants.

Au menu de cette soirée habitée par les esprits du jazz primitif, que des reliques interprétées par des musiciens hypercompétents, d'autant plus capables d'en conserver l'esprit.

De rejouer des classiques comme St-James Infirmary, fameux blues anonyme que Louis Armsong avait popularisé à la fin des années 20, assorti d'un solo de guitare acoustique signé Marc Ribot et marqué par la présence forte de Herman Lebeaux et du contrebassiste David Pitch.

Comme Blue Drag, une ode du manouche Django à ses inspirateurs d'Amérique, pièce créée en 1935 et qui prévoit une exposition du thème par le piano et la guitare acoustique à cordes de métal, sans compter quelques lignes veloutées de la clarinette.

Comme Westend-blues, typique blues à 12 mesures, cette fois imaginé  par le cornettiste Joe "King" Oliver, enregistré en 1928 avec ses Dixie Syncopators. Encore là, profusion de clarinette, et un Don Byron particulièrement inspiré.

Comme (In My) Solitude de Duke Ellington, ballade parfaite composée en 1934 et dont Marc Ribot assure bellement le thème devant nous.

Ou encore Winin'Boy Blues, du créole louisianais Ferdinand Joseph La Menthe, alias Jelly Roll Morton, qui prétendait jadis avoir inventé le jazz...

Après plus d'une heure de plaisir, il  me fallait quitter pour le Gesù, Christian Scott était déjà en train d'y jouer... Mais je puis vous assurer que j'en aurais pris bien davantage.