Le Festival international de jazz de Montréal a ouvert grand ses portes aux formations hip-hop et les puristes ont intérêt à s'y faire: ce style urbain fait partie intégrante de la planète jazz, assurent les organisateurs de cette 31e édition qui s'est terminée mardi.

Armé de deux micros, d'un noeud papillon et de chaussures de sport, Yassin Alsalman trône sur une des scènes extérieures du festival. Le rappeur montréalais d'origine irakienne mieux connu sous le nom de «The Narcisyst» lâche des rafales de rimes. «Les Arabes sont les nouveaux Noirs!», lance-t-il.

A première vue, sa musique n'a pas grand-chose en commun avec celle de Charlie Parker.

«Le jazz a eu une influence majeure sur ma musique. Je joue avec des cuivres et il y a une grande partie d'improvisation», indique à l'AFP le jeune artiste.

«Dès qu'on écoute le répertoire hip-hop, on remarque que le style puise énormément dans le jazz pour les échantillonnages qu'utilisent les DJ», poursuit-il.

Pour Laurent Saulnier, vice-président et responsable de la programmation du plus gros festival de jazz au monde, «le jazz est à l'origine de toutes les musiques +noires+ en Amérique. Le hip-hop est l'un des plus beaux feuillages de l'arbre du jazz».

Depuis cinq ans, certains des plus grands noms de la scène hip-hop sont passés par la métropole québécoise. Cette année, The Roots, groupe culte originaire de Philadelphie qui allie le rap au jazz et au funk, participait au festival pour la troisième fois.

«Certains projets musicaux méritent parfaitement de se trouver au festival. Des groupes comme Public Enemy ou De la Soul sont tellement pertinents. Je considère le hip-hop comme la forme la plus moderne de jazz», ajoute M. Saulnier.

«Un jeune de 22 ans qui vient voir un concert de hip-hop sera peut-être encore là dans quelques années pour écouter une vraie formation jazz. La diffusion du jazz est difficile, on en entend peu à la radio. Ce n'est pas un style qu'on aime automatiquement à la première écoute. Notre travail est de mettre les gens dans le bon état d'esprit», poursuit-il.

Le DJ montréalais Kid Koala a présenté cette année un concert avec le groupe The Slew, qui marie les tables tournantes à la section rythmique traditionnelle d'une formation rock.

«Louis Armstrong, Billy Holliday, Duke Ellington font partie de mes artistes préférés. J'admire la philosophie derrière le jazz. C'est un style qui n'est pas compétitif qui encourage le partage. C'est une façon de s'exprimer, mais c'est aussi une occasion de communier avec d'autres musiciens», dit Kid Koala.

De son côté, le rappeur américain Spank Rock originaire de Baltimore ne se considère pas grand amateur de jazz. Il était d'ailleurs surpris d'être invité au festival cette année. Sa musique jongle entre le hip-hop, le funk et l'électronique.

«Le jazz a influencé les musiciens qui m'influencent. C'est comme la musique classique, tu ne peux pas t'en tirer, ça fait partie de la culture générale à avoir», indique Spank Rock.

En accordant une telle place au hip-hop, le Festival de jazz contribue à redorer l'image d'un style musical parfois mal-aimé.

«Le hip-hop ne se résume pas à des propos violents et homophobes. Des musiciens de talent se sont approprié le style et composent maintenant de la musique originale qui est jouée sur scène. C'est beaucoup plus que des tourne-disques et des rappeurs», estime Laurent Saulnier.