Sur la pochette de leur premier album, Très très fort, les membres de Staff Benda Bilili posent fièrement sur des fauteuils roulants dignes des véhicules personnalisés de Mad Max. L'image est saisissante. Mais pas autant que l'histoire de ce groupe de rumba funk congolais composé en majorité d'handicapés, qui est passé en quelques années des bidonvilles aux scènes internationales.

Paraplégiques ou atteints de la polio, les membres de Staff Benda Bilili (regarder au-delà des apparences, en lingala) se sont réunis en 2001 car aucun autre groupe ne voulait d'eux. Sans domicile fixe, ils jouaient dans les rues de Kinshasa lorsqu'ils ont été découverts par Renaud Barret et Florent de la Tulaye, deux Français fous de musique congolaise.

«Avec leurs performances, ils faisaient assez d'argent pour survivre, raconte Renaud Barret, joint dans la capitale congolaise. Ils étaient très doués. Mais tout cela était fait sans perspective d'avenir. Alors on leur a proposé de les enregistrer et de faire un film sur eux. Ils ont dit oui. Ils nous ont dit que si on travaillait ensemble, ils deviendraient le groupe d'handicapés le plus célèbre du monde!»

C'est arrivé, tel que prévu. Mais il aura fallu près de six ans. Car au départ, bien peu de gens y croyaient. Il aura fallu le succès du groupe Konono no1 (en concert aux Nuits d'Afrique le 16 juillet) pour que l'étiquette européenne Crammed Disc consente à appuyer cette autre intrigante formation venue de l'ancien Zaïre.

L'album, paru en 2009, a été enregistré avec les moyens du bord en plein zoo de Kinshasa, où le groupe avait l'habitude de répéter, loin du vacarme des rues. Il a récolté des critiques favorables dès sa sortie européenne. Pour les médias en quête de bonnes histoires, il y avait là de quoi se mettre sous la dent. Une première tournée européenne, moussée par quelques clips sur YouTube, a achevé de confirmer l'effervescence.

Devenus subitement à l'aise, les membres du Staff n'ont pas tardé à s'acheter des maisons, s'extirpant ainsi des bidonvilles où ils avaient passé l'essentiel de leur vie.

Belle revanche pour la formation qui, ironiquement, reste à peu près inconnue chez elle. «Les Congolais leur préfèrent de loin des chanteurs en bonne santé comme Papa Wemba et Koffi Olomide, explique Renaud Barret. On a fini par comprendre qu'ils dérangeaient. Parce qu'ils donnaient une mauvaise image du Congo.»

Simple curiosité?

Simple curiosité, le Staff Benda Bilili? Renaud Barret ne le voit pas ainsi. Il est clair que ces corps invalides, montés sur des véhicules post-nucléaires, ont attiré l'attention des Occidentaux en mal de spectaculaire. Mais le talent y est aussi pour quelque chose. Au-delà des apparences et de la fausse indolence, on doit reconnaître la formidable force vive de leurs chansons, qui parlent de survivance, d'entraide et de débrouillardise, mais aussi de sexe de façon assez explicite.

«L'aspect graphique de leur position provoque peut-être la sympathie. Mais pour nous, cela n'a jamais été un enjeu, explique Renaud Barret. Ils ont un répertoire. Ils créent en permanence. Ils veulent faire les choses différemment et ont la capacité de faire danser les foules. De toute façon, en ce qui me concerne, tant qu'ils gagnent de l'argent, je suis content.»

Argent ou non, Barret assure que le succès du groupe est loin de leur être monté à la tête et que les musiciens n'ont rien changé à leurs habitudes. «Ils continuent de fêter comme avant. Ils restent drôles, dragueurs, artistes, dit-il. Pour eux, ça reste au jour le jour.»

Staff Benda Bilili, le 5 juillet, 19h, au Club Soda.