The Roots au Métropolis

Permettez qu'on se répète: The Roots demeure une valeur sûre pour le FIJM. Salle archi-comble pour la troisième visite festivalière du collectif de Philadelphie mercredi soir dernier, atmosphère du tonnerre à l'intérieur, où on devait jouer du coude pour profiter des solides grooves de l'orchestre funk-rap-rock.

À deux heures bien tassées, la performance d'hier fut probablement l'une des plus courtes que The Roots nous ait offert. C'est dire combien ce groupe sait être généreux; en tous cas, il ne lésine pas sur les moyens, les sept musiciens ayant pris quelques rares moments de répit entre les chansons, gardant ainsi tous les danseurs sur leur pied d'alerte. Même qu'après le concert, le batteur Questlove devait aller faire le DJ dans un bar de la Main, pour les fêtards.

Avec sa section rythmique coulée dans le funk d'une précision exemplaire et son guitariste déchaîné dont la voix qui fait le contrepoint mélodique à celle du rappeur Black Thought, The Roots a enfilé ses classiques (Here I Come, Rising Down, What you Want) et les plus récentes (The Seed 2.0, la nouvelle How I Got Over), greffant à ces interprétations de courts extraits de titres connus. Ça passe de compos originales à James Brown, une petite ligne mélodique de Lil'Wayne, un hommage à Fela Kuti, du classic rock pour la bonne forme. The Roots, groupe rap pas comme les autres, une bête musicale qu'on réinvite n'importe quand. 

Wop Pow Wow à la scène angle Ste-Catherine/Jeanne-Mance

 

À gauche de la scène en ce tiède mercredi soir, un figurant revêtu d'un costume amérindien, masse à la main, qui se dandine sur les rythmes chaloupés et enivrants de Wop Pow Wow, projet musical du vétéran bassiste Angelo Finaldi.

C'était la meilleure scène possible pour ce groupe d'excellents instrumentistes, un des secrets les mieux gardés de la scène musicale montréalaise. Arrangements raffinés, énergie communicatrice, dans la foule, l'écoute est attentive. L'atmosphère est détendue et amicale; Betty Bonifassi vient faire un tour sur scène en début de performance, et plus tard, ce sera Benoît Charest, guitare à la main, qui s'essaie même à de drôles de vocalises opératiques pour accompagner un Finaldi inspiré, notamment dans ses (longues) interventions entre les chansons, où il raconte sa chère Petite Italie avant de l'exprimer en musique.

 

Le Golden au stationnement Clark

Vague déception du côté du stationnement Clark hier soir, alors que nous assistions pour la première fois à une performance du «super-groupe» Le Golden, constitué des as musiciens Jean-Phi Goncalves (Beast, Plaster), Alex McMahon (Plaster, Yann Perreau), J.-F. Lemieux (omniprésent bassiste et réalisateur) et Martin Lizotte.

Créée lors des sessions Jedi Electro à la SAT, la collaboration s'orientait vers le groove électronique improvisé, à basse de section rythmique live et/ou séquencée et d'enrobage de synthés qu'on disait alors inspirée notamment des nouvelles tendances électro, dont le dubstep. Rebaptisé Le Golden, le quatuor ne semble pas avoir de plan d'album défini... ceci expliquant peut-être cela.

Car si les gars savent partir un groove, force est de constater qu'il ne mène vraiment nulle part. Le côté laboratoire du projet n'est pas inintéressant, mais encore faut-il oser faire des expériences.

Les toiles musicales tissées hier soir ont réussi à faire danser les spectateurs, mais rien là-dedans n'était vraiment excitant, bien que la seconde portion du spectacle fut plus enivrante que la première.

On passe d'un techno-breakbeat à l'électro vieille école, on recycle prudemment de vieilles idées, le parcours sonore demeure dans l'ensemble superficiel. Manque au Golden une véritable vision, une audace dont on sait ces artistes capables, une démarche en phase avec les tendances électro actuelles, pour qu'on prenne le projet au sérieux. En attendant, ça fait un simple tapisserie sonore agréablement dansante, sans plus.  

Felix Stüssi 5 & Jean-Nicolas Trottier à L'Astral

L'Astral était bien rempli mardi, tôt en soirée, pour le concert du pianiste Felix Stüssi, avec le tromboniste Jean-Nicolas Trottier. L'ensemble jazz local faisait d'une pierre deux coups, en donnant le concert officiel de lancement du plus récent album du pianiste d'origine suisse (Hieronymus, sur Effendi, enregistré avec le tromboniste Ray Anderson), lui-même dédié au regretté critique Len Dobbins, dont c'était le concert hommage.

Il aurait été chouette que la communauté jazzistique s'unisse pour saluer le vétéran spécialiste jazz montréalais, mais tout compte fait, le concert du Félix Stüssi 5, en plus d'être réussi, revêtait un caractère solennel. Au moment du décès de Dobbins, à pareille date l'an dernier, celui-ci se trouvait au Upstairs, attendant que débute le concert Stüssi.

Le pianiste et ses collègues ont présenté en primeur les compositions nouvelles de ce Hieronymus, inspiré par l'oeuvre du peintre néerlandais  Hieronymus Bosch. Aérienne et habile, la vision de Stüssi expose de brillantes touches de modernités dans ses arrangements qui empruntent à la musique contemporaine, sans jamais étouffer le swing du rythme, relevé par le jeu du saxophoniste Alexandre Côté. Du joli.

Omar Souleyman au stationnement Clark

Soirée totalement kitch lundi dernier alors que nous sommes allés attraper quelques chansons du «phénomène» syrien Omar Souleyman, à sa première visite en ville, sur une scène extérieure.

Le spectacle était autant dans la foule (médusée par l'étrangeté de la proposition) que sur scène. Le spectacle comprend trois personnes: Souleyman lui-même, sous son foulard, des lunettes fumées assorties à sa dense moustache noire. Son claviériste, seul accompagnateur. Et ce qui devait être à la fois son gérant, son garde du corps et son archiviste officiel, puisqu'il a passé tout le spectacle à se promener sur scène avec sa caméra vidéo, jetant parfois un oeil inquisiteur par dessus l'épaule du claviériste, lui-même un peu perdu dans tous les boutons qu'il devait ajuster sur ses deux synthés Korg.

Ça a commencé tout doux, par des litanies sur des harmonies arabisantes. Puis, le rythme qui embarque: un techno quasi-accidentel, fait de darbouka synthétique, de ney imité au clavier. Boum boum boum, la cadence est furieuse, mais Souleyman reste de marbre, tenant parfois son micro sous son bras pour inviter la foule à battre la mesure.

Délicieusement excentrique, musicalement approximatif. Une performance étrange qui a gagné la foule - au bout de deux chansons, les bras étaient dressés. Dans le stationnement Clark, ou on écoutait, stupéfait et souriant, ou on passait vite notre chemin.