Pendant que Halifax avait sorti tout ce qu'elle avait de cornemuses pour accueillir Élisabeth II, Montréal accueillait Harry Manx, fils exilé de l'île de Man, qui appartient en propre à la souveraine, comme vous ne le saviez peut-être pas. Et depuis bien avant que le Mannois ait fait du Canada sa terre nouvelle qui l'applaudit, lui, d'un océan à l'autre. Aller-retour.

Harry Manx a présenté hier au Théâtre Maisonneuve une prestation puissante, marquée par une impressionnante cohésion orchestrale de ces cinq musiciens recrutés au fil de ses pérégrinations dans les Dominions ou ex-colonies. À la base, trois Québécois, quatre avec la choriste Geveviève Jodoin, la Belle, ce qui laisse juste le titre de Bum au guitariste Simon Godin. Qui a discrètement, mais sans s'effacer, marié son son limpide aux nombreux effets des cordes de Manx - guitare acoustique, lap steel, banjo, etc. -, un multi-instrumentiste au fort jeu rythmique, comme le sont souvent les chanteurs qui se produisent en solo (comme Harry Manx à L'Astral en septembre).

 

En ordre

Homme d'ordre, Manx a commencé par le commencement: Bring that Thing, première chanson de son premier CD enregistré, nous a-t-il rappelé, alors qu'il avait 46 ans: «Pourquoi se presser?» À la troisième pièce, la foule a compris que l'autre rencontre se ferait entre le piano de Mark Kieswetter, un Américain de Toronto, et l'orgue Hammond B3 de Clayton Doley, un Australien qui, la tête en bas, a saisi toute la portée de la note bleue qu'il rend presque exclusivement de la main droite dans les aiguës. Frissons de Sydney.

Dew on Roses, magnifique avec la voix suave de Geneviève Jodoin, et puis bang! toutes voiles dehors pour Love Is a Fire, «chanson sur les jours gris... chanson d'amour». Doley se fait paysagiste (à deux mains) dans Humble Me tandis que le jeu délié de Kieswetter trouverait une belle place dans n'importe quel concert de jazz. Comme ça tombe bien.

Pas d'envolées folles - l'Australien était le plus high -, juste des apports qui se moulent à l'ensemble, nous rappelant que le français n'a pas vraiment de mot pour traduire musicianship. Un art plus qu'une compétence que partagent le (contre) bassiste Frédéric Boudreault et le batteur Alexis Martin qui ont tenu ça impec toute la soirée. Derrière un Simon Godin vibrant, entre autres dans Nine Summers Lost, écrite à la mémoire des victimes des gangs de rue, il y a quelques années.

Et dans un duo magistral avec Manx, dans le prenant crescendo de Tijuana de J.J. Cale, où les senoritas cachent sous leurs beautés les douleurs de leurs rêves brisés. Subjugué, comme mes voisins, je cherchais un mot pour décrire la force et la beauté du moment. Un seul m'est venu: wow!

À la fin, une question s'est posée: si la reine-propriétaire de son île avait été là, Harry aurait-il donné un deuxième rappel?