Mercredi dernier, Bobby Bazini chantait à Paris pour la deuxième fois en moins d'un mois. Mais ce n'est qu'hier qu'il faisait ses débuts à Montréal dans un Club Soda surchauffé. Bon, d'accord, il a déjà donné un show confidentiel au Verre Bouteille il y a un an et demi, mais c'était avant le tourbillon qui a fait de Bobby Bazinet, de Mont-Laurier of all places, une vedette instantanée au nom plus «international».

«C'est beaucoup de pression, c'est sûr, parce que je veux donner le meilleur show possible, me disait-il dans les catacombes du Club Soda à quelques heures de son baptême montréalais. Finalement, les gens vont voir que ça sonne exactement comme l'album.»

 

Mieux encore. Ils étaient sept autour du chanteur d'à peine 21 ans, cinq musiciens et deux choristes, à jouer une musique très américaine, à la fois blues, country, rock et rhythm and blues, avec un naturel beau à entendre. Ainsi appuyé, Bobby était libre d'exploiter ses deux forces principales: sa voix remarquable, qui donne l'impression qu'il a au moins deux fois son âge, et ses chansons souvent irrésistibles. Je m'en voudrais de ne pas mentionner un troisième atout qu'on a tous dû reconnaître quand, juste au moment où il allait chanter Morning Comes, une spectatrice lui a crié: «T'es beau!»

Pris de court, Bobby a répondu «c'est gentil» et une autre fan a ajouté, pour faire bonne mesure: «T'es bon.» Elles n'auraient rien dit qu'on aurait senti tout autant l'effet que fait à la gent féminine ce grand efflanqué qui ne sait pas toujours quoi faire de son corps quand il n'a pas sa guitare dans les mains. Et, tout le monde le sait, il n'y a pas public plus enthousiaste que celui-là.

Bobby Bazini a joué son premier album en entier et même si I Wonder, la chanson qui l'a mis au monde, a été plus acclamée, toutes les autres ont été accueillies avec beaucoup d'enthousiasme. Appelons ça de l'amour inconditionnel.

La musique old school

«J'ai des goûts variés, mais j'aime beaucoup tout ce qui est vieux, old school, dans la musique. Alors si, en plus, j'ai la voix qui va avec...» m'a-t-il répondu quand je lui ai dit qu'en écoutant son disque, on croyait avoir affaire à une vieille âme. En soirée, il est passé de la parole aux actes en reprenant des chansons des Doors, des Kinks et de Johnny Cash. On aurait dit un enfant qui se fait plaisir en s'offrant un joujou, un beau en plus parce que son groupe est tout à fait capable de rendre Love Me Two Times ou All Day and All of The Night de façon convaincante. Mais Bobby n'a rien du monstre qu'était Jim Morrison ni du Ray Davies jeune et baveux, il a plutôt le look d'un Liam Gallagher poli et souriant qu'on aurait finalement réussi à décoincer de sa pose de rock star. Sa Folsom Prison, qu'il a faite seul en rappel, était un coup de chapeau à l'Homme en noir sans qui, nous a-t-il dit, il ne serait pas devant nous à chanter. C'était bien fait, mais disons que Bobby n'a vraiment pas la tête d'un taulard.

D'autres emprunts passaient mieux: Stuck in the Middle With You de Stealers Wheel, parce que moins lourde à porter et que sa voix s'apparente mieux à celle de Gerry Rafferty, et Jesus, etc. de Wilco, qui est en phase avec le son Bazini et qui témoigne d'un goût certain pour les choses plus récentes.

Ses présentations se limitent pour la plupart à «la prochaine chanson s'appelle...». Mais cette espèce d'innocence qui contraste tellement avec le vécu de sa voix ne manque pas de charme. Comme quand il nous dit: «Je viens de Mont-Laurier; on n'a pas ça, nous, des Club Soda.»

Mais dès que la musique organique commence et que sa belle voix se met à flotter au-dessus, on oublie aussitôt sa sympathique maladresse et on se laisse aller au plaisir de ses chansons qui font du bien.

Avec un peu plus de métier, qui sait jusqu'où Bobby Bazini peut aller?

Bobby Bazini, au Club Soda, le 2 juillet à 19h.