Dorantes se présente d'abord seul sur scène, pour ainsi se plonger dans improvisation d'inspiration flamenca. Frottements des cordes de l'instrument, attaques virile, la fougue typique du genre andalou dont il s'apprête à nous présenter les réformes.

Même si Dorantes se défend de faire dans le flamenco jazz, il est difficile de ne pas se remémorer les pièces de Chick Corea, créées dans les années 70 - surtout l'album My Spanish Heart. Cela dit, Dorantes est clairement plus flamenco que le célèbre jazzman s'étant prêté jadis à d'ambitieuses espagnolades.

Même s'il manque parfois de précision en haute vitesse, le pianiste peut compter sur une bonne technique qu'il fera valoir à travers ses compositions qui ne manquent pas de dynamique. Et d'ambition, il faut dire : on est clairement dans un territoire harmonique plus vaste que celui du flamenco.

Ses musiciens se présentent ensuite sur scène : basse électrique de Paco Pena, percussion transculturelle de Tete Pena (tablas, djembé, mais aussi l'incontournable cajon), palmas et chant typique de Gabriel de la Tomasa, danse de Joaquin Grilo. Lorsque ce dernier se met en marche, on a le sentiment clair d'être transporté direct en Andalousie.

Les ivoires, la surface du cajon, les semelles et les talons entrent en phase parfaite, reprennent ensemble les mêmes figures rythmiques. Un dialogue s'installe entre la danse et la musique, le décollage est réussi. Chaque chorégraphie qui s'ensuit trouve sa conclusion dramatique. Quelques cabotinages masculins auront bien fait rigoler ces dames au parterre. Sparages du danseur qui multiplie les manipulations de son veston, tapotages de derrière et autres tactiques de «crowd pleasing» qui peuvent transformer ce spectacle en une partie de plaisir frisant l'exotisme facile.

Ardentes et enthousiastes quoi qu'on pense de son efficience, cette performance plait visiblement à une portion majoritaire de l'auditoire. Le feu est carrément pris sur scène, c'est ce qu'une bonne portion des spectateurs sont venus chercher. À n'en point douter, l'exubérance de Dorantes et ses musiciens compétents aura séduit, du moins pendant l'heure à laquelle j'ai été présent.

De là à conclure à un grand moment de nuevo flamenco, il y a une marge...