Le festival Coup de coeur francophone s'ouvrait hier soir avec la chanteuse Klô Pelgag. Samedi, ce sera au tour du chanteur français Barcella de monter sur la scène de L'Astral, où il partagera le programme avec le Québécois Patrice Michaud. Rencontre.

La francophonie chansonnière a un vrai coup de coeur pour Mathieu Ladevèze, alias Barcella, 33 ans, natif de Reims. Homme de scène magnétique, doué parolier de son temps, mélodiste assez pop pour conquérir une part congrue de son groupe linguistique, il a tout ce qu'il faut pour réussir dans ce métier d'auteur, compositeur et interprète. La boîte à musiques, Charabia et Puzzle, les trois albums de sa jeune discographie, illustrent bien cette nette progression.

«Barcella est le nom de jeune fille de ma mère: fille d'immigrants italiens, elle est devenue prof de lettres et m'a transmis son amour des mots. J'avais choisi ce nom inconsciemment. Après coup, je vois que ce choix avait plus de sens que je n'en lui accordais. En italien, Barcella signifie petite barque. Il y a quelque chose d'artisanal que j'aime bien dans ce mot.»

Ainsi, Mathieu mène sa petite barque et traverse l'Atlantique une deuxième fois cette année pour se produire en Amérique francophone. Slam, chanson française et hip-hop sont les matériaux constitutifs de son embarcation, convient-il lorsque joint en France avant son départ.

«C'est très générationnel. J'ai grandi avec la chanson française de mes parents, entre Bourvil, Brel, Brassens et Oxmo Puccino. Je ne vois pas de prédominance, même si je souhaite éviter de partir dans tous les sens. Pour moi, en fait, ce mélange de styles et d'époques est cohérent, ça correspond à une évolution du temps et de nos sociétés.»

Contre vents et marées

À l'heure des cultures mondialisées, la petite barque française est-elle équipée pour affronter vents et marées?

«J'ai conscience que la chanson française ne fait pas le poids contre les tubes américains. La chanson française est un microcosme, un petit pays. On a vite fait de connaître tout ce qui s'y passe. Et en même temps, la chanson française arrive à toucher une immensité de sensibilités. On peut aller au fond des choses, aller dans la vie des gens, donner beaucoup d'espoir.»

«Le terrain de jeu de la francophonie est suffisamment grand pour que l'on puisse s'y épanouir.»

Pour assurer sa longévité, la petite barque doit certes varier ses cargaisons: «À chaque album, j'essaie de me réinventer. On n'a aucun mérite à refaire un album qui a bien marché. J'ai eu un succès sympathique avec Charabia, et je n'ai pas eu envie que l'album suivant porte les mêmes couleurs. Avec Puzzle, donc, j'arrive avec quelque chose de plus urbain. Différent sur les rythmiques. Différent sur la vision, puisque j'en ai écrit les morceaux entre 29 et 33 ans. Mon regard sur le temps, sur l'enfance, la solitude, l'amour, la tendresse, la société, sur les autres, a évolué. Sans trop me soucier des modes passagères, je crée des chansons qui peuvent être un peu d'hier ou encore qui peuvent témoigner d'explorations plus urbaines.»

Encore faut-il savoir embarquer son monde. À l'évidence, c'est le cas de Barcella, showman reconnu et applaudi.

«Je viens du travail de rue. À côté de chez moi, soit à Châlons-en-Champagne, il y a le Centre national des arts du cirque. Ainsi j'ai reçu une éducation artistique de touche-à-tout. On nous demandait à la fois d'apprendre un instrument de musique, la mise en scène, le jonglage, les acrobaties, la tenue, les figures imposées. J'ai fait beaucoup d'accordéon-chant dans les rues, j'ai chanté dans plusieurs petits festivals avant d'accéder à des scènes plus importantes.»

Du soleil dans les mots

Novatrice malgré la modestie de son tonnage, la petite barque est mue par l'énergie solaire.

«De manière générale, j'ai envie de mettre du soleil dans mes mots. La cruauté du monde est bien assez considérable pour qu'on ait envie de trouver des choses plus solaires. Bien sûr, on peut passer sa vie entière à contempler la médiocrité... Je n'ai pas envie de me perdre là-dedans, je préfère valoriser la poésie du monde qui m'entoure. J'écris des chansons pour qu'elles voyagent, pour le plaisir de les interpréter, pour les échanger avec les curieuses et curieux qui assistent à mes spectacles. J'aime avant tout cette quête de l'émotion, de la rencontre, du partage.»

BIO 

Barcella a gagné en 2007 le championnat français de Slam Poésie. En 2009, on lui a remis le prix Jacques Brel de Vesoul. En 2013, il obtint le Grand Prix Révélation scène de l'académie Charles-Cros pour son spectacle Charabia. En 2013, le ministère de la Culture de France lui a décerné le prix Barbara. Ceux qui l'ont vu et entendu sur scène (aux dernières Francos de Montréal) nous assurent qu'ils ont pris la claque, grosse ou petite.

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Dans le cadre du Coup de coeur francophone. Le samedi 8 novembre, 20 h, à L'Astral.