«Je ne sais pas si je suis un classique de l'électro, mais je ne vais pas me plaindre si on le dit. Mieux vaut être classique que dinosaure!»

Tête d'affiche à l'Igloofest 2017, Laurent Garnier a eu 50 ans en 2016. Le pionnier de l'électro française peut légitimement prétendre à un certain classicisme technoïde auquel il oppose une ouverture et une curiosité évidentes. À l'évidence, il préfère tourner le dos à son passé de plus en plus monumental.

«C'est important de regarder devant. Lorsque ce qui se passe aujourd'hui ne me plaira plus, il faudra que je m'arrête», tranche-t-il d'entrée de jeu, lorsque joint en France pour cette interview.

Depuis ses débuts, le producteur, compositeur et DJ français a lancé une dizaine d'albums et plusieurs dizaines de singles et maxis. Sa discographie officielle remonte à l'aube des années 90, ne cesse d'être alimentée depuis. «La coloration techno me va toujours bien, elle est prédominante, mais je joue de tout. Et j'écoute de tout; mes goûts vont d'Alain Bashung à Érik Satie en passant par Radiohead ou encore par la musique répétitive américaine. Si je n'écoutais que de l'électro, je m'emmerderais un peu...»

Sa récente collaboration à l'album du grand poète, slameur et rappeur Abd al Malik, dont il a composé les musiques de l'excellent album Scarifications (2015), a de nouveau légitimé sa vision et sa pérennité. «C'était un album à prédominance techno, c'était davantage une prise de risque pour lui que pour moi. En fait, cela s'avère à court terme un disque difficile pour le public d'Abd al Malik.»

Créer pour jouer

La façon de promouvoir et de distribuer la musique électronique a effectivement été soumise à de profondes mutations: vu qu'ils ne retirent que très peu (ou pas du tout) de bénéfices de la musique enregistrée, les producteurs et DJ cherchent à se faire entendre par différents labels de niche de manière à rejoindre des marchés différents et ensuite pouvoir jouer live sur les scènes du monde.

«C'est pourquoi nous avons entrepris de rallier différentes communautés en se rapprochant de leurs labels de prédilection. Ainsi, j'ai fait des maxis pour les labels que j'aime... après quoi j'ai ramené certains titres de ces maxis dans La Home Box lancée chez F Communications [en 2015]. Aujourd'hui, c'est en englobant ces labels et ces communautés qu'on se sent à la maison.»

Le nouveau cycle de création est vraisemblablement amorcé pour Laurent Garnier. Il sortira très bientôt un maxi chez Kompakt, ainsi qu'un morceau dans une compilation du label français Skryptöm (tenu par Électric Rescue).

«La suite, je ne l'ai pas encore écrite... Je me suis remis aux machines il y a quelques semaines après m'être arrêté pour souffler au terme de La Home Box et des musiques pour Abd al Malik. J'avais le sentiment d'avoir vidé mon sac.»

Pendant cette «pause», il a fait de la radio, il a fait DJ à travers le monde, organisé le festival Yeah! dans le sud de la France, on en passe...

«Là, je peux créer de nouveau. La création musicale est vraiment un truc de plaisir, vu qu'on ne vend plus de disques aujourd'hui.»

Malgré le froid

Avant de vraiment s'y mettre, il sera une des principales têtes d'affiche de l'Igloofest 2017. «Trois heures dehors! Moi qui crains le froid, je dois être complètement dingo de venir chez vous au mois de janvier. Mais... on m'a dit que l'Igloofest, c'était génial. On m'en parle beaucoup, et en bien.»

Pour Laurent Garnier comme pour tant de grands artistes électros, le djisme a beaucoup à voir avec l'impro. «Je ne sais vraiment pas ce que je vais jouer chez vous, mais j'ai toujours favorisé la nouveauté. En France, par exemple, je dirais que ça n'a jamais été aussi excitant qu'en ce moment. Il y a énormément de productions! Tous ces Bambounou, Voiski, tous ces jeunes mecs, tous des petits labels qui démarrent. Je ne tiens pas à défendre absolument la culture française, mais je me sens très en phase avec ce que j'entends.»

Inutile d'ajouter que le vétéran compte faire partager ses trouvailles aux igloofestivaliers. «C'est un peu le combat de la techno depuis ses débuts: se faire accepter en regardant toujours devant», conclut-il comme il a amorcé cette conversation. «Car le passé ne m'intéresse pas vraiment. À mon âge, je ne vais certainement pas commencer à regarder derrière!»

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Laurent Garnier se produira sur la scène Sapporo, le vendredi 27 janvier, à 21 h 30, dans le cadre d'Igloofest.