Le 12e festival Les HTMLLES s'intéresse aux «Conditions de confidentialité» jusqu'au 6 novembre. Parmi les artistes invitées, l'Espagnole Joana Moll travaille sur le cyberespionnage et la cybersurveillance, notamment à la frontière américano-mexicaine.

Le candidat républicain à la présidence Donald Trump veut y faire construire un mur. Des milices d'extrême droite armées jusqu'aux dents y patrouillent déjà (voir le reportage du journaliste infiltré Shane Bauer dans le magazine Mother Jones). Même les citoyens pouvaient participer à la traque grâce à des caméras de surveillance installées par le gouvernement texan à ladite frontière de 2008 à 2012.

C'est en faisant des recherches sur l'internet que l'artiste espagnole Joana Moll a découvert, presque par hasard, des groupes Facebook constitués d'Américains obsédés par les allées et venues à la frontière mexicaine.

«Les liens entre l'art et la technologie m'ont toujours fascinée. En enquêtant sur la vidéosurveillance, j'ai trouvé des vidéos citoyennes et des groupes Facebook. Ça m'a estomaquée. Je ne pouvais le croire.»

Présentée à HTMLLES, son projet Objets acharnés : la contre-surveillance dans un univers post-humain fera l'objet d'une table ronde, d'une exposition et d'une projection.

Grande paranoïa

Deux sortes de surveillance étaient effectuées à la frontière: par des caméras installées chez des particuliers et d'autres, financées par le gouvernement texan en partenariat avec des entreprises privées. Dans tous les cas, les vidéos étaient diffusées sur l'internet.

«Cela fait partie de la grande paranoïa américaine, dit l'artiste espagnole. Moi-même, je pouvais avoir accès, depuis Barcelone, à des images de caméras de surveillance sur le web. Comme si la frontière se déplaçait jusque chez moi.»

Cela pose de véritables problèmes éthiques, à savoir ce qu'elle appelle «la militarisation» de la société civile qui participe bénévolement à la surveillance des frontières.

«Le site web paraissait être un jeu vidéo où le spectateur prenait le pouvoir sur ce qui se passait à la frontière. Il m'apparaît pervers de faire participer le public à la sécurité nationale du pays. C'est choquant de voir le gouvernement déléguer de tels pouvoirs à la population.»

Les caméras de surveillance citoyennes ont finalement été abandonnées par l'État du Texas en 2012 en raison d'un manque de financement.

Réseaux sociaux

N'empêche qu'un groupe Facebook de 300 personnes a été créé pendant la durée de cette vidéosurveillance. Le réseau social était ainsi devenu un site de clavardage entre amateurs de vidéosurveillance en temps réel.

«Je me suis infiltrée dans le groupe. Ils échangeaient des informations sur ce qu'ils voyaient à l'écran, l'état des caméras, la température... Certains commentaires étaient anodins, voire drôles, tandis que d'autres appelaient à la dénonciation et transpiraient le racisme.»

Depuis 2012, Joana Moll s'intéresse au pouvoir des réseaux sociaux qui possèdent des tonnes d'informations confidentielles sur leurs utilisateurs.

«Je fais des recherches sur ces données et comment elles sont utilisées à une échelle globale. J'analyse ce que font les sociétés privées avec les données et, plus précisément, l'exploitation qu'elles font des utilisateurs à des fins commerciales. On appelle ça de "l'esclavage" parce que personne n'en retire des profits à part les entreprises, comme l'industrie pharmaceutique.»

Maux de tête à l'horizon!

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Joana Moll donne un atelier aujourd'hui de 13 h à 18 h à l'Université Concordia, salle 2.130, 7141, rue Sherbrooke Ouest.