Véritable habitué du festival Présence autochtone, le chanteur innu Shauit sera sur la place des Festivals ce soir pour renouer avec son public et présenter en primeur quelques chansons qui paraîtront sur son nouvel album dont la sortie est prévue d'ici l'hiver prochain. Entrevue avec l'artiste à la spiritualité exacerbée.

Avec son complice Samian ou en solo, Shauit monte depuis plus 12 ans sur scène pour parler des réalités que partagent les membres des différentes communautés des Premières Nations. Après un EP sorti en 2014, le chanteur de reggae, de hip-hop et de rap intégrés à de la musique populaire innue est de retour avec un nouvel opus qu'il considère comme la plus mature de ses créations.

«J'ai mûri. J'ai envie de parler de sujets plus importants pour moi que de petites choses de la vie. Je voulais parler de Dieu, de l'environnement. Ça m'appelle beaucoup. Je ne suis pas très féru de politique, mais je devais aborder certaines questions pour le bien-être de mon peuple», explique le chanteur.

Alors que l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées débutera le 1er septembre prochain, Shauit se dit inquiet pour l'avenir de ses filles. «J'ai suivi ce dossier. J'ai des filles et je me suis dit qu'elles n'étaient pas en sécurité dans mon propre pays. Harper était au pouvoir et il n'a rien fait. Ne pas vouloir faire cette enquête était un message aux kidnappeurs et aux assassins qu'ils pouvaient continuer. C'est un peu pour ça que je fais de la musique, je veux leur montrer qui on est, quelle est notre langue, dans l'espoir qu'on soit reconnu comme un peuple comme un autre», lance-t-il.

Le suicide

Le chanteur reggae a également beaucoup réfléchi au problème du suicide au sein des Premières Nations. Une préoccupation qui a d'ailleurs donné lieu à un titre qu'il présentera pendant son spectacle sur la place des Festivals.

«J'ai six enfants: quatre dont je suis le père biologique et deux que j'ai élevés depuis qu'ils sont bébés. J'habite à Montréal et mes enfants sont à Maliotenam. Je ne les vois pas beaucoup, mais j'ai eu la chance de passer un peu de temps avec eux pendant ma résidence en studio. Un de mes fils m'a confié qu'il était en dépression et qu'il avait pensé au suicide. Sur le coup, ç'a été un vrai choc. Je me rends compte que personne n'est à l'abri», confie Shauit qui a voulu s'adresser à ses enfants à travers son nouvel album. «Je veux les encourager, dire qu'il y a de l'espoir», assure-t-il.

Depuis ses débuts au festival Innu Nikamu à l'âge de 21 ans, Shauit a fait un bout de chemin et s'est toujours consacré à diffuser la culture de son peuple.

«Je veux faire bouger les choses. Il n'existe aucune nation supérieure à une autre au monde.»

«Ces dernières années, je trouve que ça a bougé un peu. Les gens veulent nous comprendre et nous connaître plus qu'avant. Ils veulent se familiariser avec cette culture que le gouvernement a détruite par le passé. Je le montre du doigt, car il existait vraiment une amitié entre les autochtones et les non-autochtones à l'époque. Jusqu'à ce que le gouvernement décide de nous "éduquer". Il reste beaucoup de chemin à faire. Mais je suis très optimiste», lance Shauit.

La foi

Ce positivisme, le jeune artiste le doit en grande partie à une foi inébranlable qu'il cultive au quotidien, priant à chaque repas et méditant à propos du Créateur dès que cela lui est possible.

«La religion prend beaucoup de place. Je suis conscient de la présence de Dieu dans ma vie. Les gens disent que ça ne va pas bien sur la planète. À mon avis, c'est en grande partie dû au fait que les gens abandonnent la foi», observe-t-il. 

Le chanteur a-t-il déjà été fâché envers le Créateur?

«Non. Chaque chose qui se passe a un aspect négatif. Mais ça ne vient pas de Dieu. Dans mon coeur, c'est un Dieu d'amour et de paix. Les pensionnats autochtones en sont un bon exemple. Je ne vais pas rejeter Dieu ou Jésus pour les gestes condamnables commis par des hommes. Ça n'ébranle pas ma foi. Au contraire, ça me pousse à prier encore plus», affirme Shauit qui fera d'ailleurs partager sa philosophie de vie dans ses nouvelles chansons.

«L'idée principale de l'album est que nous ne sommes pas seuls. Je suis persuadé que quelqu'un existe qui nous veut du bien et nous aime. Il y a de l'espoir...», conclut-il.