André Ménard, cofondateur et directeur artistique du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), et sa fille Laurence, 26 ans, ont passé le week-end au festival de Coachella dans le désert californien. Compte rendu.

Ma fille Laurence me suit dans des événements un peu partout depuis l'enfance. Mon premier rêve de carrière était de pratiquer le métier de journaliste. Elle le fera bientôt. Nous partageons ici avec vous nos impressions du festival Coachella dans le très chaud désert de la Californie. J'y suis venu souvent, mais pour elle, c'est la première fois.

Impressions premières

Entrer pour la première fois à Coachella, c'est prendre la pleine mesure d'un festival parfaitement rodé. Dès les abords du site, le personnel y va de commentaires chaleureux et de tapes dans les mains pour mettre les festivaliers dans l'ambiance. Au centre de l'action, comptoirs de nourriture et de cocktails branchés, zones de repos joliment arrangées et installations d'art fantaisistes se succèdent en une impressionnante démonstration d'ingénierie logistique. Côté installations scéniques, la qualité du son et des visuels est remarquable et le fond de scène extérieure, des rangées de palmiers et des montagnes à perte de vue, gracieuseté de Dame nature, mérite une mention spéciale. Cet environnement, responsable du facteur cool de Coachella, semble pour certains festivaliers primer sa mission centrale de rassemblement musical, qui est pourtant relevée haut la main.

J'y ai pourtant trouvé toutes les musiques qui me ressemblent, et bien d'autres.

Dinosaures dans le désert

Cette célébration musicale bien de son époque qu'est Coachella se paie de temps à autre des têtes d'affiche «antiques», mais toujours vivantes. Après les McCartney ou Roger Waters il y a quelques années, AC/DC y présente les premiers concerts de sa tournée.

On les a dits un peu rouillés la semaine dernière; vendredi soir, ils étaient éclatants. Angus Young, en feu, a égrainé ses solos délirants en arpentant la scène dans son costume d'éternel écolier, la voix de Brian Johnson dans son corps d'athlète qui va au pub trop souvent était puissante et juste. Aussi, bonne nouvelle, le neveu Steve Young, qui remplace Malcom Young, guitare rythmique et architecte du son AC/DC, est plus qu'adéquat. Les grands classiques, quelques raretés et les nouvelles chansons ont été livrés avec une énergie convaincante. Des dinosaures régénérés, qui l'eût cru?

Moins régénéré, moins généreux (on a déjà vu ça à Montréal avec eux) et condescendant avec le public, Steely Dan a livré une performance sans passion. Méritait-il cette invitation à gagner un nouveau public? Pas certain.

Nouvelles valeurs sûres

Coachella est l'occasion de constater que certains artistes sont enfin confortablement installés dans la notoriété. Et à ce titre, on ne peut passer sous silence le délirant Father John Misty, qui a, samedi soir, assis sa position en tant qu'incontournable de l'indie-folk rock. Avec ses mélodies envoûtantes, sa voix puissante, ses danses lascives et excentriques, il fait vibrer le public.

Angus et Julia Stone, duo frère-soeur australien, ont su transporter les festivaliers dans leur univers folk enveloppant, contrastant avec le soleil de plomb qui régnait sur le site. Si ces artistes talentueux enchaînent les guitares, lap-steel, banjo ou trompette, c'est Julia qui se démarque par son charme désarmant. Quand elle entonne You're The One That I Want, chanson du film Grease, elle le fait avec la même grâce légère qui porte ses magnifiques mélodies.

Certains diront peut-être qu'il est prématuré de classer Hozier parmi les valeurs sûres. C'est qu'ils ne l'ont pas vu sur scène. L'Irlandais de 25 ans a offert une prestation exemplaire. Bien entouré de ses musiciens et choristes, il a livré une dose du rock moderne qui est le sien au public de Coachella, qui aurait visiblement aimé étirer ce moment de totale symbiose.

Mes coups de vieux coeur

Au premier rang des coups de coeur, la performance de Royal blood, un nom à peine prétentieux vu le talent de ces deux musiciens. Rénover le duo guitare-batterie après les White Stripes et Black Keys, ce n'est pas évident... Surtout quand la guitare est en fait une guitare basse dont le chanteur joue avec quelques effets, mais une vélocité et une précision inouïes. Eux qui sont déjà venus à Osheaga l'an dernier, souhaitons-leur un concert dans une salle montréalaise au plus vite.

Étonnante, la Canadienne Kieza, improbable rencontre entre la Kylie Minogue pop-dance à son meilleur et Mylène Farmer pour les sonorités synthétiques et le mystère. Le tout branché sur le 220... Délire parfait dans la foule.

Grande confirmation pour la formation War on drugs, dont le dernier album a reçu des éloges partout. Puissance évocatrice, musicalité, bref, un certain avenir pour le rock.

Nouveaux enchanteurs

Milky Chance faire danser le public. Les Allemands à l'indie-pop accessible visent dans le mille avec leurs mélodies synthétiques ponctuées d'harmonica. On ne serait pas surpris de les voir sur les affiches des festivals pour encore quelques années, à condition que la durée leur donne plus de profondeur ou vice-versa...

Il est loin d'être nouveau, mais sa capacité à se réinventer est telle que Jack White nous fait l'effet d'une découverte chaque fois. C'est dans une ambiance rétro à saveur rockabilly que l'ancien des White Stripes a fait vibrer le public de Coachella. Le talent de monsieur et le dynamisme de musiciens éclipsent le peu de hits qui composent la soirée. On reste captivés par cette énergie pendant deux belles heures. D'ailleurs, au rayon des moins jeunes spectateurs figurait un Johnny Hallyday séduit de bout en bout..

Enchantement artistique à valeur ajoutée, les oeuvres d'art éphémères dispersées sur le site sont de vrais spectacles à elles seules. Si beaucoup de festivals essaient de créer cette connexion entre différentes disciplines, Coachella le réussit très bien. On s'amuse à prendre en photo aux différentes étapes de sa vie cette chenille géante qui devient papillon au courant de la fin de semaine.

Dernières impressions

Devenu un festival de référence, Coachella a su réinventer les événements du genre de bien des façons avec son site magnifique et plusieurs fois agrandi. Il reste que son meilleur coup a été de trouver un moyen de présenter une supplémentaire à son succès. Se déclinant désormais depuis trois ans sur deux week-ends aux calendriers de concerts identiques, des différences sur le plan de l'ambiance commencent à apparaître. Les médias locaux notent que la première présentation attire un public aussi turbulent qu'en quête de la compagnie des nombreuses stars d'Hollywood qu'on y retrouve. La deuxième serait plus calme et la foule, plus présente à la musique. Ça ne m'a pas toujours paru évident, mais enfin, ça demeure un impressionnant rassemblement d'artistes mis en valeur par une production de très haut niveau. Parlant de musique, on observe aussi la polarisation accrue entre les musiques de guitare et l'EDM qui occupe une place majoritaire sur plusieurs scènes désormais. De bon augure pour son avenir, Coachella rajeunit son public constamment. Allez hop, de retour à Montréal où la saison des festivals va bientôt débuter.