Musiques d'ordinateurs, musiques de lutherie numérique, musiques de synthétiseurs analogiques, musiques microtemporelles et plus encore: c'est le tour d'AKOUSMA, à la fois le plus modeste et le plus savant des festivals de musiques électroniques tenus annuellement à Montréal.

Le Festival AKOUSMA est le seul événement du genre qui s'en tienne exclusivement (ou presque) à une proposition musicale sans spectacle ni artifice. Le seul qui privilégie à ce point la recherche fondamentale en création électroacoustique, cellule souche de toutes les créatures électros.

«Depuis 2005, AKOUSMA se consacre à l'exploration de toutes les formes de musique électroacoustique, cherchant à refléter les préoccupations actuelles des compositeurs qui diversifient de plus en plus leurs interventions dans un monde musical tourbillonnant, où les pratiques sont de plus en plus éclatées», résume-t-on sur le site officiel de l'événement.

Compositeur réputé et directeur artistique d'AKOUSMA, Louis Dufort justifie à La Presse les réformes de sa programmation 2014 - présentée cette semaine à l'Usine C, échelonnée de mercredi à samedi prochain: «Auparavant, on n'y présentait que deux compositeurs par soir. Ils avaient carte blanche pendant une heure alors que, désormais, nous pourrons compter jusqu'à six artistes qui viendront y diffuser une pièce de leur cru. Par conséquent, les programmes seront un peu plus longs. Nous offrirons ainsi une plus grande diversité de langages.»

Qui plus est, souligne Louis Dufort, l'éclectisme des styles à l'horaire permettra un mélange des publics concernés par le corpus électroacoustique, corpus beaucoup plus vaste qu'on ne le croit.

«Le 8 novembre, par exemple, seront du même programme la musique actuelle façon Sylvain Pohu, la computer music des années 90, façon Paul Lansky, ou encore l'underground acousmatique de Rene Hell. On observera d'ailleurs un retour en force de la recherche acousmatique (pratique électroacoustique originelle) chez de jeunes artistes qui régénèrent la forme: Adam Bazanta, Mark Fell, René Hell, Christian Bouchard, Myriam Bleau.

On verra aussi un retour aux synthétiseurs analogiques modulaires qui permettent une approche stochastique  - c'est-à-dire que le musicien n'a pas le contrôle absolu sur la forme sonore générée par son instrument.»

Les thèmes des quatre soirées

CONCERT ÉCLATÉ

«Le titre de la soirée renvoie directement aux racines de la musique concrète, il faut alors remonter en 1948. Non seulement cette musique est-elle bien vivante 66 ans plus tard, mais encore se décline-t-elle sous plusieurs formes: sa forme acousmatique (David Berezan, Christian Bouchard, Laurie Radford), sa forme mixte (James O'Callaghan, Jullian Hoff) et sa forme numérique (Myriam Bleau). Le travail de la Québécoise Myriam Bleau, par exemple, n'est pas très loin de l'oeuvre de Pierre Schaeffer, qui fut le père de la musique concrète et de l'objet sonore. Ancrée dans l'art numérique, sa démarche déborde de poésie. Elle viendra nous présenter un travail où sons et lumières s'amalgament à travers différents objets manipulés en direct.»

Mercredi 5 novembre, 20 h, Usine C.

ONDE SYMBIOTIQUE

«Souvent, la première source d'inspiration pour le compositeur est cette sensation de symbiose que produisent les ondes sonores sur son corps et sa conscience. Chez la compositrice suédoise Hannah Hartman, cette symbiose peut être évoquée dans une performance où le geste est causé directement par la mise en vibration d'un corps sonore. Elle réalise des oeuvres faites de sons hétéroclites mais souvent identifiables, malgré des manipulations qui ne sont pas sans rappeler l'approche de la musique concrète. Ces manipulations peuvent aussi se manifester en direct, dans un contexte de performance. Cette soirée sera précédée d'un lancement d'album du réputé compositeur montréalais Robert Normandeau, qui nous offrira des musiques vibrantes, tant pour votre corps que votre esprit.»

Jeudi 6 novembre, 20 h.

Photo: fournie par AKOUSMA

Hannah Hartman

INTÉRIEUR/EXTÉRIEUR

«La notion d'intérieur/extérieur demeure très présente dans la musique électroacoustique. Cette notion peut être prise au pied de la lettre lorsque, par exemple, on a cette impression d'"entendre" des paysages sonores (Jana Winderen). Cette notion peut aussi évoquer l'intériorité psychologique (Seth Nehil) ou encore une expression où la matière sonore se dévoile de l'intérieur comme de l'extérieur (Mark Fell). Membre du duo SND, l'Anglais Mark Fell est le coup de coeur d'AKOUSMA. Il a créé une série de petits bijoux dont la prémisse principale se trouve dans l'élaboration d'une musique "microtemporelle" très hachurée, c'est-à-dire composée de particules sonores puisées dans une échelle temporelle infiniment petite (que permettent des logiciels spécialisés). Étonnamment, il peut aussi créer des oeuvres de type drone (bourdon), aux antipodes de sa démarche précédente. AKOUSMA suggérera donc les deux facettes de ce compositeur fascinant.»

Vendredi 7 novembre, 20 h.

Photo: fournie par AKOUSMA

Mark Fell

RÉSONANCE NUMÉRIQUE

«Cette soirée fait appel en quelque sorte au paradigme numérique qui permet de "concaténer" ou, si vous préférez, mettre ensemble des particules de son via un langage de programmation informatique. Ce langage permet aussi de "concaténer" du son et de l'image (Line Katcho), du son analogique et du son numérique (Sylvain Pohu) ainsi que des formes génératives stochastiques (Paul Lansky et Rene Hell). En 2013, l'Américain Jeff Witscher, alias Rene Hell, nous a profondément charmés avec un album intitulé Vanilla Call Option (étiquette PAN). Sa démarche expérimentale défie toute nomenclature et trace ses propres sillons dans le vaste champ des musiques électroniques et concrètes. Voilà une excellente façon de clore un festival qui regarde droit devant!»

Samedi 8 novembre, 20 h.

Photo: fournie par AKOUSMA

Rene Hell