Au bout de la rue Principale de Rouyn, sous un chapiteau attenant au kiosque du parc botanique, Laurence Hélie a livré hier midi une demi-douzaine de ses chansons, les plus applaudies étant ses pièces country où ses inflexions vocales se marient parfaitement au piano de son sideman de la Saskatchewan.

Deux cents personnes peut-être, de quatre générations bien comptées, étaient là sous le ciel gris pour un autre des ces spectacles « impromptus » du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue. Impromptu non pas parce que le FME a fait monter la blonde chanteuse et son quintette à la dernière minute, mais parce que l'événement se tenait hors des lieux habituels du FME ; hier, au parc À fleur d'eau, pour fêter l'anniversaire de son établissement par la Société d'horticulture de Rouyn-Noranda et sa présidente, Julienne Cliche. Le FME s'inscrit dans sa ville...

« Nous autres, on a décidé d'arrêter de grandir », nous dira Sandy Boutin, cofondateur et infatigable médiateur de ce festival dont l'aménagement extérieur, sur la 7e rue de Noranda, a été conçu et réalisé avec l'équipe du festival français Les Invites de Villeurbanne, qui se consacre aux arts de la rue... totalement absents du FME. 

« On pourrait remplir des salles plus grandes, rassembler 10 000 personnes dans un parc comme on a déjà fait, mais ça ne serait pas nous. On a déjà mis Ariane Moffatt dans un espace avec 100 personnes ; les gens étaient assis à terre sur des coussins et tout le monde s'en souvient.

« Le monde debout dans les 5 à 7 dans les bars ou entassé à l'Agora ou au Petit Théâtre, c'est là que se base l'identité de notre festival. » Sur les surprises aussi...

Pour le directeur du festival de Villeurbanne, Patrick Papelard, la performance de Patrick Watson, il y a quelques années - « Il avait joué dans la rue sur un piano droit déglingué » - constitue LE grand moment de ses visites au FME. Amant des « décalages », M. Papelard, samedi, a savouré la prestation de The Feather, spectacle solo du Belge Thomas Medard (Dan San) que la pluie a poussé du Marché public à l'agora du mail attenant. « Les pépés et les mémés du café du centre commercial étaient ahuris, mais ils ont suivi le spectacle jusqu'au bout. C'était magique ! » The Feather se produit à Montréal demain, au Divan Orange, et mercredi au Cercle de Québec.

Quand Sandy Boutin parle de « salles plus grandes », il faut en fait utiliser le singulier pour désigner la seule grande salle de Rouyn-Noranda : le Théâtre du cuivre, 725 sièges, « le diffuseur majeur en Abitibi-Témiscamingue », selon le site de la ville.

Arthur H aurait pu remplir le Théâtre du cuivre à lui seul, samedi soir... Le chanteur français s'est produit en tête d'affiche à l'Agora des arts, une ancienne petite église de 300 places, jubé inclus. Avec les musiciens montréalais qui l'entouraient cet hiver, Arthur H (igelin) y a interprété les pièces du disque qu'il a enregistré l'hiver dernier au centre PHI du Vieux-Montréal, sous l'oeil des webcaméras. Philémon Cimon et Martin Lizotte, excellent dans ses Pianolitudes, complétaient l'affiche à l'Agora.

Les Hay Babies, elles, auraient certainement rempli le Théâtre du cuivre, ce qu'elles feront peut-être au cours de l'année qui vient. Après les files d'attente puis les portes closes à leurs deux spectacles à la Légion, le trio néo-brunswickois a fait flasher bien des invités européens, samedi au « Dîner des pros », où elles ont chanté dans la boîte d'un camion parce qu'il pleuvait à verse. Dans la colonne actuelle de l'émergence, les Hay Babies apparaissent tout en haut avec le CD Mon Homesick Heart

Daniel Bélanger, lui, est passé au Théâtre du cuivre au printemps dernier dans le cadre de sa tournée Chic de ville. Hier, il donnait le 59e et dernier concert de cette tournée rockabilly à l'Agora des arts, dans le spectacle de clôture de ce 12e Festival de musique émergente, qui lui rendait hommage pour l'ensemble de son oeuvre (après Jean-Pierre Ferland en 2012). Peut-être aussi parce que Bélanger, ce « chasseur d'ambiances », n'en finit plus d'émerger avec des musiques nouvelles.

Le prochain grand événement à se tenir à Rouyn-Noranda, capitale culturelle autoproclamée, sera le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue qui, fin octobre au Théâtre du cuivre, rendra hommage à notre ancienne collègue et toujours amie Francine Grimaldi, « pionnière des chroniques culturelles » à la radio de Radio-Canada et « passionnée d'art actuel et émergent ».