Si l'industrie de la musique traverse une période incertaine, l'électro connaît pour sa part une popularité croissante. Comme en témoigne le festival ÎleSoniq, nouveau-né d'evenko qui s'amorce aujourd'hui dans l'île Sainte-Hélène.

Après avoir diversifié son offre de festivals ces dernières années (Igloofest, Elektra, MUTEK, ElectroFest, MEG), Montréal vibrera aujourd'hui et demain au son d'ÎleSoniq. Près de 30 000 billets ont trouvé preneur pour les deux journées de festivités où s'aligneront autant de DJ superstars que de figures montantes. De quoi faire résonner l'île Sainte-Hélène jusqu'aux rives de Saint-Lambert...

Il y a 10 ans, aucun promoteur québécois n'aurait misé aussi gros sur une telle initiative. Avec ÎleSoniq, evenko inscrit donc Montréal sur le circuit des DJ commerciaux qui mixent à prix d'or et parcourent les nombreux festivals associés à l'electro dance music (EDM).

L'idée a atterri dans les bureaux d'evenko en 2011. L'équipe derrière les succès d'Osheaga et de Heavy Montréal a assisté à l'ascension rapide de la musique électro sur le marché canadien.

«À Montréal, on a constaté l'engouement dans des événements comme Piknic Électronik (qui attire 80 000 personnes annuellement), explique Évelyne Côté, programmatrice chez evenko. À Osheaga, par exemple, on a dû augmenter la capacité d'accueil pour la scène consacrée à l'électro.»

Suivant la tendance, les programmateurs d'Osheaga ont ainsi misé sur des artistes électro en vogue comme Skrillex, Chromeo et Chvrches sur ses deux scènes principales.

Ovni musical

Le festival ÎleSoniq a été élaboré en moins de deux ans, avec un seul but en tête: «Mettre le paquet!», pour rivaliser avec les plus grands festivals électro nord-américains. «L'idée derrière ÎleSoniq, c'était de construire un monde parallèle; un paradis perdu où tu peux aller danser et sortir du quotidien.»

«On doit créer une image de marque percutante. Avec Osheaga, ça nous a pris quelques années à y arriver, dit Évelyne Côté. Maintenant, c'est fort. Les gens fantasment toujours un peu sur le week-end qu'ils vont vivre.»

Pour définir l'ADN d'ÎleSoniq, l'équipe d'evenko s'est rendue dans plusieurs de ces festivals nord-américains (Ultra, Electric Daisy, TomorrowWorld). Ces derniers, pour la plupart nés en Europe, proposent un univers visuel qui s'éloigne de la scénographie singulière de festivals comme Coachella, Lollapalooza ou Osheaga en plongeant les participants dans une ambiance planante.

À titre d'exemple, le festival belge Tomorrowland a bâti sa renommée en créant un univers luxuriant et démesuré. Considéré comme l'un des plus importants rassemblements électro en Europe, il célébrait son 10e anniversaire à la fin juillet. Pour l'occasion, près de 500 DJ ont mixé sur l'une ou l'autre des 16 scènes du site.

En programmant ÎleSoniq après Heavy Montréal et Osheaga, on pense avoir misé juste: on dépasse de 10 000 le nombre de laissez-passer vendus lors de la première année d'Osheaga, en 2006. Comme quoi les mutations de la musique électro ne vivent plus dans un monde parallèle.

Le côté sombre de l'électro

Si ce genre musical s'est démocratisé depuis le mouvement rave/techno des années 90, plusieurs tragédies récentes sont venues ternir l'image de ces rassemblements. La semaine dernière, le festival de musique électronique VELD de Toronto a pris une tournure dramatique lorsque deux jeunes dans la vingtaine sont décédés après avoir consommé une substance sur les lieux. Chez evenko, on se dit «particulièrement prêt» à toute éventualité. «Notre expertise, c'est de faire un festival diurne, indique Évelyne Côté. La culture électronique est ce qu'elle est, mais le fait qu'on ait un couvre-feu à 23 heures, ça change la donne.»

Photo: Olivier Pontbriand, La Presse

La scène principale, qui accueille aujourd'hui les têtes d'affiche Iggy Azalea et Tiësto, est équipée de cinq écrans LED d'une largeur totale de 4000 pixels.

Le choix des programmateurs

Pour son lancement, ÎleSoniq a pris soin de combiner de grosses pointures (Bingo Player, Laidback Luke, Adventure Club) à une programmation qui coïncide avec les récentes mutations de la musique électro. Même si on remarque plusieurs artistes hip-hop festif (Iggy Azalea, Juicy J, Tiga), les organisateurs se sont assurés de couvrir tous les spectres, du house progressif au trap, sans laisser pour compte la techno. Tour d'horizon des incontournables.

Tiësto

Habitué d'Ibiza, Tiësto est la plus grosse prise du festival. À 45 ans, le DJ néerlandais n'est pas près de prendre sa retraite: il a donné près de 150 spectacles l'an dernier, dont plusieurs à Las Vagas. Le producteur, qui a touché 32 millions en 2013 selon Forbes, est le deuxième DJ des mieux rémunérés de la planète, derrière Calvin Harris. Après cinq ans sans sortir d'album, Tiësto lançait en juin A Town Called Paradise, sur lequel il collabore entre autres avec le duo suédois Icona Pop.

DJ Pierre

Membre fondateur du groupe Phuture dans les années 80, Nathaniel Pierre Jones, alias DJ Pierre, est l'un des pionniers de l'acid house. Même si ses beats ne font pas partie des nouvelles tendances émergentes, sa musique - entre house et techno - continue d'attirer un public qui ne s'essouffle pas. Après avoir connu son apogée en Angleterre au milieu des années 80, DJ Pierre est désormais installé à New York. Il fait partie des figures qui ont propulsé la musique électronique en Amérique.

Iggy Azalea

La rappeuse australienne incarne la touche hip-hop qu'on a voulu donner à la programmation d'ÎleSoniq. La chanteuse s'est fait connaître sur le web grâce à ses vidéoclips qui repoussent les limites de la provocation. À ce sujet, son nom est le plus recherché sur Google aujourd'hui. Après s'être produite à guichets fermés au Corona en juin, elle revient à Montréal alors que son tube Fancy est au sommet des palmarès estivaux.

Adventure Club

Pour sa première édition, l'équipe d'ÎleSoniq a approché le duo montréalais Adventure Club en lui offrant rien de moins qu'une scène. C'est donc lui qui est derrière la programmation de la scène Superheroes Anonymous, vendredi. «C'était important pour nous de mettre de l'avant une tête d'affiche locale, explique la programmatrice Évelyne Côté. Adventure Club fait le pont entre la scène locale et internationale.» Le duo, composé de Christian Srigley et Leighton James, a fait connaissance au secondaire, dans l'Ouest-de-l'Île. Après quelques années, la paire est passée du hardcore punk à l'électro. Depuis deux ans, Adventure Club est l'une des icônes montantes de l'electro dance music (EDM).

Photo: David Boily, La Presse

Adventure Club

Des festivals inspirants

Bien que l'offre de festivals électro soit en croissance, l'équipe d'ÎleSoniq compte rivaliser avec les plus gros rassemblements du genre. Comme avec Osheaga et Heavy Montréal, evenko dit vouloir «continuer de miser sur la qualité de l'expérience du spectateur». Voici trois festivals dont on compte bien s'inspirer.Tomorrowland

> Création: 2005

> Quand: deux week-ends de juillet

> Où: Boom, en Belgique

> Assistance: 360 000 festivaliers (en 6 jours)

> Têtes d'affiche en 2014: Avicii, Benny Benassi, Carl Cox

Electric Daisy Carnival

> Création: 1997

> Quand: du printemps à l'automne

> Où: festival ambulant dans plusieurs villes américaines (Chicago, New York, Las Vegas), à Porto Rico, Mexico et Londres

> Assistance: jusqu'à 400 000 festivaliers (en trois jours)

> Têtes d'affiche en 2014: Calvin Harris, Avicii, Hardwel

Ultra Music Festival

> Création: 1999

> Quand: mars

> Où: Miami, en Floride

> Assistance: 165 000 festivaliers

> Têtes d'affiche en 2014: Carl Cox, David Guetta, Hardwell

Photo: archives AFP

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