«La poésie, c'est une idée», disait Léo Ferré. Pour l'homme de théâtre Loui Mauffette, c'est l'idée à la source d'un spectacle à succès qui revient à l'affiche sous une nouvelle mouture.

Loui Mauffette aime dire que Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, son happening théâtral créé en 2006, c'est son Casse-Noisette: un spectacle repris chaque saison. Or, c'est aussi son Osstidcho: une création décapante qui représente un beau moment théâtral. L'un de ces rares spectacles d'où l'on ressort de la salle un peu moins seul qu'à l'arrivée.

Comment qualifier cette «stonerie poétique» d'environ deux heures qui rassemble une vingtaine d'artistes de divers horizons: des comédiens de haut vol comme Maxime Denommée, Anne-Marie Cadieux, René Richard Cyr, Patricia Nolin avec des auteurs-interprètes comme Yann Perreau, Clara Furey, Betty Bonifassi, qui tous éclairent, chacun à leur tour, des poèmes signés Rimbaud, Miron, Duras. «C'est une quête d'absolu, explique son concepteur en entrevue. Une orgie spirituelle qui s'adresse à tout le monde. Ceux qui aiment la poésie comme ceux qui veulent la découvrir ou l'apprivoiser.»

L'attaché de presse du Théâtre du Nouveau Monde s'est lui-même intéressé à la poésie sur le tard: en 2005, à la mort de son père Guy Mauffette. À l'origine, Poésie est d'ailleurs un hommage au père comédien, animateur à la radio et oiseau de nuit. Outre son amour du théâtre, le fils a aussi hérité de son «côté maniaque». «Depuis deux mois, j'ai refait au moins 40 fois l'ordre des numéros!»

L'ours mal léché

Excessif, entier, hypersensible, imprévisible, généreux... le dictionnaire ne contient pas suffisamment de qualificatifs pour décrire la bête artistique nommée Loui Mauffette. Ceux qui fréquentent le TNM ont sûrement aperçu ce «gros ours mal léché» qui désirait devenir acteur et chanteur-vedette. «J'ai connu des traumatismes, des trous de mémoire et des crises d'angoisse sur scène. J'ai dû abandonner cette carrière à la fin des années 80», confesse-t-il.

À son arrivée à la direction du TNM, Lorraine Pintal a eu l'excellente idée d'aller chercher le jeune relationniste qui s'occupait, entre autres, de Diane Dufresne et de Joe Bocan. Dévoué à la cause culturelle, Mauffette est du genre à déplacer des montagnes pour que les médias parlent d'un artiste. Son poste au TNM lui a permis de créer des liens durables avec la moitié du bottin de l'UDA. Aujourd'hui, il peut demander n'importe quoi (ou presque) aux acteurs. Comme de bloquer deux semaines dans leur horaire à la rentrée pour une courte apparition dans son spectacle à la PDA, puis au CNA; ou de se déplacer en bande un lundi matin pour une photo de groupe avec le photographe de La Presse.

Drogue poétique

Et la poésie dans tout cela? Pour Mauffette, qui a consommé beaucoup de drogues, nous dit-il en insistant pour qu'on l'écrive (!), la poésie est une drogue à la fois douce et dure qui secoue l'âme humaine. Dans ses choix, il y a des poèmes sombres et d'autres, lumineux. Nelligan et Gauvreau côtoient Jim Morrison et Geneviève Desrosiers. La musique de Coldplay celle d'Érik Satie. Les gestes de Dave St-Pierre suivent les paroles de la chanteuse Ève Cournoyer, disparue récemment, à qui la troupe rendra hommage.

«Je veux que le spectateur aborde le spectacle comme s'il entrait dans une parfumerie et qu'il humait toutes les différentes odeurs», résume Mauffette, en spécifiant que les textes parlent autant de l'enfance que de la mort, du sexe que de la création.

«Les poètes sont de drôles de types qui traversent la brume, avec des pas d'oiseaux sous l'aile des chansons», a écrit Ferré. Le fils de Guy Mauffette est un drôle de personnage. Un poète incompris qui a longtemps oeuvré dans la pénombre des coulisses. Et qui a attendu la mort de son mentor pour se réconcilier avec les lumières de la scène.

Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, du 22 au 24 septembre, à la Cinquième salle de la Place des Arts; du 3 au 6 octobre au Théâtre français du CNA, à Ottawa.

À noter que, dans le cadre du Studio littéraire, on offre une Carte blanche à Loui Mauffette, les 2, 3 et 4 décembre au Studio-Théâtre de la Place des Arts.