Révélée au monde il y a un peu plus de 10 ans, la musique éthiopienne a inspiré depuis nombre d'artistes occidentaux, d'Arthur H au groupe The Ex, en passant par le rappeur Common et le cinéaste Jim Jarmusch (Broken Flowers).

Éthiopienne élevée aux États-Unis, Meklit Hadero a fait le chemin contraire, comme en témoigne son premier album, On a Day Like This, inspiré par le folk de Leonard Cohen et le jazz de Nina Simone ou Billie Holiday. On aurait pu s'attendre à ce que l'auteure-compositrice-interprète puise dans ses racines africaines. Mais là, dit-elle, n'était pas le but de l'exercice.

«Une grande partie de mon identité est éthiopienne, explique la chanteuse, jointe à Boston. Mais il y a aussi une grande partie de moi qui n'est pas éthiopienne! La seule chose que je pouvais partager, c'était mon expérience personnelle. Parler des choses que je connais: les amours perdues et retrouvées, le contact avec la nature. En ce sens, il me semblait juste d'exprimer mon humanité plutôt que mon éthiopianité.»

Meklit Hadero fait quand même quelques clins d'oeil timides à son pays d'origine. Entre deux pièces folk, elle reprend notamment Abbay Mado, un classique éthiopien popularisé par Mahmoud Ahmed. Quant à sa façon de chanter, elle serait inspirée de certaines techniques vocales éthiopiennes, qui exploitent lourdement le vibrato.

«On peut l'entendre sur mon disque, mais encore plus quand je suis sur scène», souligne Meklit, qui sera au Cabaret du Mile End avec son groupe demain soir dans le cadre du festival Nuits d'Afrique.

Élevée entre New York et San Francisco, la chanteuse n'est retournée en Éthiopie qu'en 2001. Mais elle s'y rend pratiquement chaque année depuis, que ce soit pour voir sa famille élargie ou pour constater à quel point le pays change rapidement. «C'est ma façon à moi de rester à jour, de voir ce qui se passe réellement», dit-elle.

Lors de son passage en Éthiopie en 2009, Meklit a tourné un vidéoclip avec deux rappeurs, qui font partie avec elle du collectif Arba Minch, regroupement d'artistes issus de la diaspora éthiopienne. Ce projet à trois devrait déboucher sur un album à être enregistré au mois d'août, preuve que la chanteuse ne souhaite pas se limiter à la couleur jazzy-folk.

«Je veux partager toutes les facettes de mon identité», dit-elle, ajoutant qu'un disque de soul et un autre de musiques du monde sont également en préparation.

Sa dernière visite en Éthiopie lui aura aussi - et surtout - permis de rencontrer le fameux Mulatu Astatqé, légende de la musique éthiopienne et auteur de la plupart des pièces utilisées par Jarmusch dans le film Broken Flowers. Après plusieurs cafés, le vieil homme n'aurait donné qu'un conseil à la chanteuse: «Il m'a dit: «N'arrête jamais d'innover, ne fais pas la musique que les autres ont faite.»»

L'avenir dira comment Meklit Hadero exploitera ces sages paroles. D'ici là, elle continuera de cultiver ses multiples identités en parallèle. Un jour, peut-être, toutes ces influences ne produiront chez elle qu'une seule et même musique.

Meklit Hadero, demain au Cabaret du Mile End.