Zachary Richard n'avait pas dansé depuis une mèche... Samedi soir, au Festival international de blues de Tremblant, dont il est le porte-parole, il a fait la navette entre la scène du bas de la station touristique, où se produisaient ses voisins louisianais du Dirty Dozen Brass Band, et celle du haut que chauffait son idole de toujours, Taj Mahal.

Immensité stylistique d'un bord, puissance rythmique de l'autre: à un moment donné, le DDBB dégageait une telle énergie que Zac s'est mis à danser. Puis il est remonté entendre Taj Mahal et son trio, fort de toutes les nuances du blues.

«J'ai découvert le blues à 18 ans, en 1968, grâce à Paul Butterfield, nous a confié hier Zachary Richard, au milieu de la préparation du spectacle qu'il donne lui-même ce soir à Tremblant, où le rejoindra Isabelle Boulay pour quelques chansons. Paul Butterfield m'a amené à la racine...»

Et à l'harmonica, par l'intermédiaire d'un autre virtuose de «la harpe de l'homme pauvre», James Cotton.

Pour le Cadjin, le blues est d'abord un rythme - lui-même admet un fort penchant pour le shuffle - et «un baratin qui fait du bien à l'âme quand ça va mal». «Surtout quand ça va mal», ajoute-t-il avec l'assurance de celui qui y est passé.

Zachary Richard, on le sait, a été victime d'un accident vasculaire cérébral, l'automne dernier. Sa grande crainte, on l'imagine aisément, était de ne pouvoir faire comme avant: au premier chef, jouer de la musique, chanter. Il n'aime pas en parler, mais n'en répond pas moins à la question: comment a-t-il vécu ces difficultés?

«Le pire n'est pas l'accident lui-même - dont il faut prendre conscience même si on a souvent tendance à faire comme si... -, mais l'après. Dans mon cas, le physique s'est vite rétabli: il reste le défi mental.»

Et quel est, ici, l'apport de la spiritualité - d'inspiration bouddhiste dans le cas de Zachary Richard?

«Tout revient à la confiance que l'on a en soi-même et dans les pouvoirs de la vie, dit-il. Florent Vollant a aussi eu un coup dur l'an passé et il est allé voir un chaman qui lui a dit: «Dieu, c'est le Temps.» Il faut laisser le temps agir. Je fais mon apprentissage de la patience.»

Les fans de Zachary Richard devront en faire autant dans l'attente de son prochain disque: il n'a «aucune nouvelle» à annoncer à cet égard. Oui, il écrit et compose, toujours dans le but de faire un disque: c'est son métier. Non, il n'a pas d'échéance et Cap Enragé, son dernier, ne constituera en rien une borne à atteindre ou à dépasser.

«Il est absurde de se comparer à soi-même dans ce sens. Je travaille jusqu'à ce que je sois satisfait; je mets tout mon coeur et mon âme dans mon métier et ça me suffit.»

Son coeur, son âme et un goût certain du risque... Ce soir, dans «un répertoire modifié par l'environnement», Zachary Richard sera accompagné de David Torkanowsky au piano, du subtil Éric Sauviat à la guitare, et de Francis Covan à tout le reste... sauf au drum. «Je propose un spectacle sans batterie», explique Zachary Richard dont on devine un peu le sourire derrière les lunettes noires. Nous allons nous en remettre à la force de la mélodie et du rythme de base...»

Les chamans du blues le disent: God is in the beat.

Le Festival de blues de Tremblant se poursuit jusqu'à dimanche ; les spectacles extérieurs sont gratuits. Info: www.tremblant.ca