La petite légende des Refugee All Stars de la Sierra Leone s'est d'abord construite avec la diffusion d'un film documentaire de Zach Niles et Banker White, tourné avec ces musiciens expatriés en Guinée pendant la terrible guerre civile qui a dévasté ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, de 1991 à 2002.

Le noyau d'origine du groupe s'est formé en Guinée, dans un camp de réfugiés. Dégoûtés par la guerre, des hommes non violents s'étaient remis à la musique, question de nourrir l'espoir et survivre psychologiquement à cette tragédie humaine. Encore marqués par les valeurs traditionnelles, ces hommes croyaient au pouvoir de guérison de la musique. À ses vertus pacificatrices. Dans l'extrême adversité, ces débuts modestes étaient précurseurs d'une destinée miraculeuse: ces réfugiés de la Sierra Leone se sont taillé une place de choix dans le circuit des musiques du monde.

Ainsi, Reuben Koroma et Francis Lamgba (Franco) se sont connus dans cet exil forcé. De concert avec Grace, l'épouse de Reuben, ils égayaient leurs congénères jusqu'à ce que ce camp soit détruit par l'armée guinéenne et que ses occupants soient relogés dans la lointaine campagne. Avec l'aide d'une organisation humanitaire canadienne, le groupe de musiciens a pu se développer et même profiter d'une sonorisation et de guitares électriques.

Dans ce second camp, les documentaristes américains Banker White et Zach Niles, sans compter l'auteur-compositeur canadien Chris Velan, ont fait la rencontre du groupe naissant. Au noyau de base s'était ajouté l'adolescent orphelin Black Nature, doué pour le rap, sans compter Abdulrahim Kamara (Arahim) et Mohamed Bangura (Medo), qui avaient tous deux des membres amputés par les rebelles tortionnaires.

Pendant le tournage, les Nations unies ont financé un premier voyage des Refugee All Stars à Freetown, question d'évaluer si la sécurité y serait acceptable pour y demeurer. Ce financement onusien incluait également des séances d'enregistrement en studio. Pour mieux saisir cette occasion, Reuben Koroma a unifié les artistes du camp à d'autres des Emperors, son ancien groupe dont plusieurs membres étaient restés terrés à Freetown pendant la guerre. La formation actuelle compte toujours ces musiciens issus de différentes communautés ethniques de la Sierra Leone - temne, minde, makingo, krio, kroo, loko.

«Nous avons eu la chance d'avoir été filmés. Notre histoire nous a fait connaître à l'Ouest. Nous sommes l'exception, en fait», reconnaît Reuben Koroma, toujours chanteur principal des Refugee All Stars.

«La situation s'est stabilisée au pays, se réjouit-il néanmoins. Les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes, tout est calme. Les choses s'y améliorent tranquillement, mais ce n'est pas facile. Il y a beaucoup de pauvreté là-bas. Beaucoup de chômage...»

Inutile d'ajouter que la scène musicale se trouve à la case départ. «On n'y trouve pas beaucoup d'instrumentistes. Peu d'instruments, peu d'équipements, peu de musiciens formés. Nous sommes basés là-bas, mais nous faisons notre business ailleurs. Nous avons acquis pas mal de popularité en Europe comme en Amérique du Nord. Nous passons beaucoup de temps hors de notre pays, mais nous tenons à y demeurer.»

L'influence du reggae

Pour leur nouvelle escale montréalaise, les Refugee All Stars viennent défendre le contenu de Rise and Shine (étiquette Cumbancha), enregistré partiellement à Freetown ainsi qu'à La Nouvelle-Orléans. Pays anglophone d'Afrique, la Sierra Leone est très marquée par le reggae jamaïcain, que préconisent les Refugee All Stars et auquel ils ajoutent quelques épices locales.

«C'est vrai, nous proposons un mélange de reggae et de musique africaine. Nous jouons aussi la jolly music qui ressemble étrangement au makossa (camerounais) et au soukouss (congolais). Nous tenons à reproduire nos rythmes traditionnels dont certains sont similaires au reggae. Le reggae est devenu très important en Afrique, particulièrement dans les pays anglophones comme la Sierra Leone. Mais ailleurs aussi, avec les Tiken Jah Fakoly et Alpha Blondy.»

Bien que Reuben et ses collègues n'aient jamais mis les pieds en Jamaïque, la philosophie rasta exerce une influence prépondérante sur la leur.

«Oui je suis rastafarien. Cette communauté est petite à la Sierra Leone, mais la plupart des rastas y font de la musique. Le reggae permet l'expression populaire. Permet de chanter la libération africaine. De chanter les opprimés. La souffrance de notre peuple. Ses aspirations. Le peuple n'a pas la chance de s'exprimer autant que les musiciens, c'est pourquoi nous contribuons à en exprimer l'esprit.»

Les Sierra Leone's Refugee All Stars se produisent lundi, 20h30, au Cabaret du Mile End.