Bien avant le Cirque du Soleil et le festival Montréal complètement cirque qui débute ce soir à Montréal, dans l'Antiquité en fait, l'arène accueillait les courses de chars et les combats de gladiateurs. Au Moyen Âge, les saltimbanques et les troubadours se mêlaient dans les foires aux jongleurs et aux acrobates. Puis, les écuyers de la Renaissance et du Siècle des lumières ont créé des jeux d'adresse. En 1768, l'Anglais Philip Astley trace enfin un cercle dans la poussière d'un terrain vague de Londres: le cirque est né. Grand historien français des arts du cirque, Pascal Jacob nous explique comment...

Le cheval a marqué la naissance du cirque en 1768. Philip Astley était un cavalier militaire anglais qui voulait mettre en scène des chevaux. Mais doit-on lui accorder la paternité du cirque? Partiellement, dit Pascal Jacob, qui a publié près d'une vingtaine d'ouvrages sur le cirque.

 

«D'autres ont dû faire la même chose, mais lui a duré, dit-il. Il a créé un espace fermé pour accueillir un public qui paie. Il a organisé des tournées en Angleterre et sur le continent, notamment à Paris en 1774. Il a créé 19 cirques stables en Europe, soit plus que le Cirque du Soleil aujourd'hui! En fait, c'était un entrepreneur de spectacles avant la lettre qui voulait conquérir l'Europe.»

Au début, le cirque d'Astley accueille en plein air un public mixte: des amateurs de sport équestre et des badauds. Mais comme il ne fait pas toujours beau en Angleterre, il crée des tribunes couvertes pour les spectateurs avant d'opter pour un espace totalement fermé ressemblant à un théâtre.

«Ça lui a permis d'attirer un public bourgeois et aristocratique qui possède des chevaux et qui a l'impression d'assister à une vraie performance artistique puisque le spectacle n'est plus dans la rue mais dans un lieu décoré comme un théâtre, alors son concurrent principal. Mais ce n'est pas lui qui a utilisé le premier le terme de cirque.»

C'est en effet Charles Hughes, un écuyer de Philip Astley, qui a créé par la suite le Hughes Royal Circus, qui utilise pour la première fois le mot cirque. Puis, un des écuyers de Charles Hughes, John Bill Ricketts, arrive à Philadelphie en 1793 pour créer le premier cirque en sol américain.

Le Cirque Ricketts fait une tournée au Canada en 1798. Il passe à Québec puis à Montréal où il reste plusieurs années. Le spectacle proposé comporte des exercices équestres, des clowns et du théâtre. Mais cette forme de cirque est alors encore réservée aux bourgeois, tout comme les courses hippiques. En Europe, les bâtiments sont luxueux. On accueille le public avec des laquais à perruques poudrées. Les femmes reçoivent des programmes imprimés sur de la soie.

«Le cirque ne devient populaire qu'à la fin du XIXe siècle», dit Pascal Jacob. Sa popularisation découle de la création du premier chapiteau en 1825 par Purdy Brown aux États-Unis. Elle n'intervient toutefois qu'à la fin du XIXe en Europe où il est moins aisé de monter des chapiteaux dans les villes.

À cette époque, Berlin, Londres, Vienne, Munich et Dresde ont des cirques stables sur le modèle du Cirque des Champs-Élysées, à Paris. Les troupes de cirque européennes voyagent d'un lieu à un autre. Puis, le cheval disparaît progressivement du cirque, remplacé par des animaux exotiques. On passe alors d'une forme de cirque raffiné à une forme plus populaire.

Le cirque voyage

Les grands cirques voyageurs du XIXe et XXe siècle sont allemands (Krone, Hagenbeck, Sarrasani), français (Franconi, Rancy, Medrano, Bouglione, Richard, Zavatta), anglais (Bertram Mills, Chipperfield), italiens (Togni, Orfei), suisses (Knie, Nock) ou américains (Barnum).

«Hagenbeck et Sarrasani ont vraiment eu la bougeotte, dit Pascal Jacob. Sarrasani est parti en Amérique du Sud au début des années 20, avec les chapiteaux, les animaux et les roulottes! Et en 1933, Hagenbeck est parti en Inde, en Chine et au Japon.»

L'âge d'or du cirque est véritablement de 1880 à 1930, selon M. Jacob. La crise de 1929 puis la Seconde Guerre mondiale anéantissent bien des cirques, dont le cirque américain qui s'effondre après avoir été concentré dans les mains d'une seule famille. «Aujourd'hui, il y a 450 cirques en France et 40 seulement aux États-Unis», dit Pascal Jacob.

Dans les années 50 et 60, le cirque décline, à cause de la télévision, de la crise pétrolière et de la société qui change. Seul le cirque russe prend alors de l'ampleur (jusqu'en 1989).

Le cirque animalier tend aussi à disparaître. «Il y a encore des pays non touchés par la grâce du renouveau, comme l'Allemagne et la Suisse, dit M. Jacob. Mais il faudrait que ça disparaisse le plus rapidement possible. La détention d'animaux dans des boîtes en métal, ça ne marche plus. L'Inde a même interdit la détention d'éléphants dans les jardins zoologiques. Qui peut trouver le moindre plaisir à voir des chiens et des chimpanzés costumés, un éléphant sur un tabouret ou un tigre sautant dans un cerceau?»

Petit à petit, un nouveau cirque s'impose, en France, en Belgique et au Québec, relancé par l'apparition des écoles de cirque. La voie de l'hégémonie du cirque québécois est pavée...

 

À voir

La Tohu présente en permanence La fabuleuse histoire du cirque dans les couloirs de la salle de spectacle, une exposition sur l'histoire du cirque, avec des objets, des vêtements, des photos et des peintures.

La Tohu, 2345, rue Jarry Est, Montréal.

À lire

> La fabuleuse histoire du cirque, Pascal Jacob, Édition Le Chêne

> Pour les jeunes: Cirque et Compagnies, de Pascal Jacob. Actes Sud Junior et Hors Les Murs, 96 p.