À l'aube d'une nouvelle tournée en salle cet automne, Annie Brocoli se lance dans le vide. Populaire auprès des enfants, elle fait le pari qu'elle sait aussi charmer les milléniaux, dont certains ont grandi avec son personnage. Pour un soir seulement, le 25 juillet au Zoofest, elle présentera La vierge Annie, un spectacle solo unique où les spectateurs auront accès aux coulisses de sa vie de vedette des jeunes.

Assise derrière les fenêtres du branché Candi Bar, avenue du Mont-Royal, Annie Brocoli fait quelque chose qu'elle n'aurait jamais fait il y a quelques années sans trembler de peur : boire un cocktail alcoolisé, en public, pour une séance photo avec La Presse. En cet après-midi de printemps gris, son personnage coloré et sans vice, adoré des enfants, semble être remisé pour un certain temps.

« Je suis un peu parano, j'ai tellement protégé Annie Brocoli. Chaque fois que je faisais quelque chose d'un peu plus osé, je me disais : "Ça y est, ma carrière est finie." »

Il y a quelques mois, Patrick Rozon, directeur général et artistique du festival d'humour qui se déploie en marge de Juste pour rire, l'a appelée pour lui lancer un gigantesque « t'es pas game ? » : se prêter au jeu du segment « Ben voyons donc ! », qui revient pour la troisième fois cet été après le passage de Denis Talbot, Gilbert Rozon et Joël Legendre.

Dans une formule pour un soir seulement, un artiste invité présente un spectacle humoristique de 60 minutes. Après avoir spontanément refusé, croyant le projet trop gros pour elle, Annie Brocoli a rappelé Rozon. En moins d'une journée de doute, elle avait déjà écrit plus de 20 pages de matériel qui, promet-elle, marquera un passage vers les 18 ans et plus touchant et drôle à la fois.

« Tu me mets dans une situation juste mini-trash et c'est pissant », résume-t-elle, ajoutant que des surprises viendront ponctuer son spectacle en demi-teinte entre le stand-up et le show de variétés.

La vie n'est pas que du bonheur

Dyslexique, Annie Brocoli n'a jamais fait de grandes études pour devenir la vedette qu'elle est aujourd'hui auprès des tout-petits. La fin de son secondaire, raconte-t-elle, a marqué pour elle une libération et l'aube de l'ère Annie Brocoli, personnage qu'elle protège jalousement depuis.

« Mes propres enfants ont été élevés par une mère bubbly, de bonne humeur, qui chicane en faisant "pout pout", parce que j'y ai cru : je croyais qu'il était possible de vivre juste dans le bonheur. [...] Quand ils sont arrivés à l'adolescence, ils se sont chargés de me montrer que parfois, la vie, ça peut aussi être ordinaire. Ça m'a fait du bien, ça m'a montré que je pouvais vivre avec plus qu'une couleur », explique l'artiste, qui voit cette expérience au Zoofest comme l'acceptation qu'elle peut être une personne complexe aux multiples facettes.

« À un moment donné, ma batterie est tombée à plat et c'est là que j'ai réalisé que je manquais des affaires [à toujours rester dans un seul niveau d'émotion]. Mes peines, je ne les vivais pas, mes rages non plus », ajoute celle qu'on a longtemps appelée la chanteuse préférée des papas. « Le jour où j'ai commencé ma [vie publique], les papas, je ne les ai plus revus, même après mes spectacles », nous confie-t-elle pourtant.

Le petit festival qui devient international

Annie Brocoli ne manque pas d'anecdotes savoureuses, promet Patrick Rozon, directeur général et artistique du Zoofest depuis trois ans.

« C'est un risque pour une personnalité comme Annie, populaire auprès des enfants, de se présenter dans ce spectacle, mais c'est aussi très excitant. » 

« Sa première crowd est rendue à 25 ans, donc c'est exactement mes festivaliers, [le public du Zoofest] est composé à 85 % de milléniaux », explique-t-il.

Cet automne, Patrick Rozon travaillera aussi à propulser son festival à l'extérieur de Montréal. Des spectacles signés Zoofest sont prévus au cours des prochains mois à Lachute et à Québec, mais la marque traversera également l'Atlantique.

« Quand je suis arrivé en poste, je me suis lancé le défi que le Zoofest ne soit pas un festival [marginal], mais quelque chose de grand public, où les artistes prennent un risque », résume le directeur, qui assume entièrement le risque de vouloir exporter son concept.

« On aimerait créer un Zoofest de trois jours à Paris en 2018. Il y aurait des humoristes québécois, mais aussi [des têtes d'affiche françaises]. Ce festival a tellement une belle énergie, c'est un modèle qui est le fun. On pourrait en organiser un dans n'importe quelle ville du monde », dit-il fièrement.

La vierge Annie sera présenté le 25 juillet, à 19 h, à la salle Ludger-Duvernay du Monument-National.