Un peu plus de quatre mois après sa mort à 24 ans d'une tumeur cérébrale, Vickie Gendreau est une écrivaine très vivante grâce à la puissance et à l'urgence de son roman Testament. Celui-ci sera porté à la scène du Quat'Sous en mars 2014. Mais «pour vérifier si l'adaptation tient la route», Éric Jean, qui a adapté le texte avec Sébastien David et qui le mettra en scène, en propose une première lecture publique dimanche. Sans décor, sans costume, sans déplacement. Avec des comédiens et les mots de Vickie.

«La deuxième fois que j'ai rencontré Vickie pour discuter de l'adaptation théâtrale de Testament, se remémore Éric Jean, elle m'a demandé qui allait tenir son rôle. Je lui ai présenté la comédienne [Jade-Mariuka Robitaille] et elle lui a dit: «T'es chanceuse, t'as un criss de beau rôle!»»

C'est du Vickie Gendreau tout craché. «Et c'est vrai qu'elle était un personnage, reprend Éric Jean avec beaucoup d'affection dans la voix. L'adaptation théâtrale qu'on a faite de son roman, ce n'est pas Vickie mourante, ce n'est pas un documentaire sur elle, ni un hommage non plus: c'est l'histoire de ce personnage, qui symbolise aussi une génération. Je ne la connaissais pas du tout, Vickie. Je n'avais pas vu son entrevue à Tout le monde en parle, je ne savais pas qu'elle avait fait du théâtre, ni qu'elle avait fait le concours pour le programme d'écriture dramatique à l'École nationale de théâtre. Mais, un jour, je suis entré dans une librairie, j'ai vu son livre et je l'ai trouvé beau, avec sa couverture mauve et son titre, Testament. Wow! Je l'ai acheté, je l'ai lu d'une traite. Et je lui ai écrit le soir même. Pour lui dire que la lecture de son texte m'avait mis en état de choc, pour lui dire que, si elle acceptait, j'aimerais bien en faire une adaptation théâtrale.»

On était en octobre 2012, Vickie Gendreau avait publié son livre un mois auparavant, après avoir reçu un diagnostic de tumeur au cerveau non opérable en juin. «Quinze minutes après mon message, elle m'a répondu, poursuit Éric Jean. Elle savait qui j'étais, elle aimait ce que je faisais et elle m'a écrit: «Adapte-le, mon roman, je te le donne!» Quand j'ai lu ça, je me suis dit: «Oh boy, je ne peux plus reculer!»»



Pourquoi reculer, de toute façon? Surtout que l'éditeur du roman de Vickie, le Quartanier, lui a aussi donné carte blanche. Pour être au plus près de cette génération qui n'est pas la sienne, Éric Jean a décidé d'adapter Testament avec la collaboration de l'auteur-comédien-metteur en scène Sébastien David: «Il y a une parenté entre Sébastien et Vickie: ils ont les mêmes références, une certaine façon de s'exprimer aussi. Sébastien et moi, on a, chacun de notre côté, sélectionné dans le texte tout ce qui nous semblait capital. Et on a retenu à peu près les mêmes choses.» Environ un tiers du roman se trouve pour le moment dans la version «texte de théâtre».

«Quand j'ai programmé la pièce pour mars 2014 au Quat'Sous, reprend le metteur en scène, je pensais vraiment que Vickie serait là, je m'attendais à pouvoir lui faire lire l'adaptation.»

Mais Vickie n'est pas là. Elle est morte. Et est devenue en quelque sorte un ange contemporain: sans ailes ni auréole, mais avec un sexe et une page Facebook, où des gens lui écrivent encore régulièrement. «C'était impossible de ne pas garder son rapport à la sexualité, c'était fondamental dans sa perception des choses», dit Éric Jean, qui a reçu, il y a quelques jours, de la part de Mathieu Arsenault, ami et coach littéraire de Vickie, un cadeau inattendu: «Il m'a envoyé une playlist, celle des 69 chansons qu'écoutait Vickie pendant sa dernière année de vie.»

Cette liste ne sera pas de la lecture de Testament au Quat'Sous dimanche. Ce sont les mots seuls de Vickie qui seront dans la salle pour cette première étape d'adaptation, présentée avec le FIL dans le cadre des Journées de la culture: «Ce n'est pas un spectacle, dit simplement Éric Jean. C'est une rencontre.»

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Lecture publique de l'adaptation théâtrale du roman Testament de Vickie Gendreau, dimanche à 12h30, au Théâtre de Quat'Sous. Gratuit, mais réservation obligatoire au 514-845-7277.

Photo: fournie par le FIL