Récipiendaire du Prix Rapsat-Lelièvre pour l'année 2012, le groupe belge Suarez vient défendre au Coup de coeur francophone la matière de ses deux albums - On attend et L'Indécideur, sous étiquette Go Musique/Sélect.

Joint plus tôt cette semaine à Mons, en région wallonne, Marc Pinilla s'inquiète de ne pas pouvoir se rendre à Montréal. Au moment où l'on cause, Sandy sévit sur la Côte Est. «Vous n'êtes pas loin de New York, non?» On le rassure. Il sait maintenant que son avion ne sera pas forcé d'amerrir ou de rebrousser chemin. Le chanteur se montre alors disposé à causer Suarez.

Le nom, d'abord.

«Suarez est le nom du premier colon portugais venu à Madagascar. Mes trois collègues sont malgaches, issus du groupe N'Java - le guitariste Dada Ravalison, le bassiste Maximin Njava et le batteur Pata Njava. Après avoir débarqué en Europe, vécu à Paris et Bruxelles, ils ont acquis un immeuble dans la ville où j'habite. Notre association résulte d'une rencontre improbable... Et puisque je suis fils d'immigrants, de père espagnol et de mère italienne, Suarez représente bien ce métissage entre l'Europe du Sud et Madagascar.»

Madagascar en Wallonie italo-espagnole, donc.

Quiconque connaît le groove malgache (Jaojoby, Saramba, Charles Kely, Regis Gizavo, etc.) sait que leurs instrumentistes sont très forts à ce titre, Pinilla corrobore: «Je suis complètement en admiration! De plus, ils ont une manière très particulière d'accorder leurs instruments. Avec Suarez, toutefois, nous n'offrons pas les grooves typiquement malgaches. Nous exploitons plutôt des sonorités pop légèrement métissées par la manière de jouer de mes collègues, le tout chanté en français. Faire du salegy et éveiller la transe chez les habitants de la brousse, ce n'est pas notre volonté.»

Quoique... «Nous sommes allés à Madagascar pendant l'écriture de notre deuxième album. Culture super riche! J'ai compris pourquoi mes collègues sont comme ils sont. Pourquoi ils sont toujours en retard, pourquoi... tout!»

Pop assez soft, force est d'observer à l'écoute de Suarez. Pas de notes saturées au programme de Suarez, électrification modérée sauf la basse et quelques claps, toujours cette dualité entre guitares malgaches et guitares folk. «Un mélange de tout ce qu'on aime. Nous aimons les mélodies avant tout, nous ne sommes pas violents. Nous préférons la belle mélodie à l'agressivité», résume le chanteur.

Suarez n'en demeure pas moins un groupe de scène, d'abord reconnu pour la chaleur de ses prestations.

«Son existence s'est faite sur la route; nous avons passé deux ans en tournée après la sortie de notre premier album il y a quatre ans (On attend), années au cours desquelles nous avons souhaité un deuxième effort qui nous représenterait beaucoup mieux. Le premier en fut un d'expérimentation, créé avant même que le groupe ait une essence propre. Puis le groupe s'est vraiment formé avec la scène.»

Entre les deux opus, même écart côté texte: l'identité des rimes ne s'est vraiment précisée qu'au deuxième, pense Marc Pinilla:

«Personnellement, je regrette m'être contenté de peu sur le premier. J'ai ensuite pris conscience que j'évoluais dans la chanson française et que, quitte à raconter quelque chose, aussi bien le raconter de belle façon. J'ai décidé alors de faire appel à des amis paroliers - ma compagne Aline Renard, Antoine Hénaut, Fabrice Ballot-Lenat. En toute humilité, je ne crois pas être le meilleur parolier du monde et j'ai trouvé très enrichissant de collaborer avec d'autres qui peuvent mieux formuler certaines choses que je peux le faire.

«J'avais des idées de thèmes et de refrains, l'idée était de partager de l'intimité et de la réflexion personnelle avec des gens très proches de moi. Partager de l'intimité, d'ailleurs, ça peut être étonnant. Interpréter ce qui se passe dans la tête d'un autre peut l'être aussi. Il y a moyen de vraiment s'amuser et de partir très loin.»

Au Québec, notamment.

Dans le cadre du Coup de coeur francophone, Suarez partage le même programme que Karim Ouellet, mardi, 20h, à l'Astral.