Sylvain Lelièvre a été quelque chose comme un grand auteur de chansons. Son chant traînant ne plaisait pas à tous, mais ses rimes intelligentes, son refus du tape-à-l'oeil, sa voix sincère et ses airs souvent jazzy émeuvent encore. Dix ans déjà, présenté samedi prochain à Coup de coeur francophone, soulignera en chanson la disparition du poète, survenue en avril 2002. La Presse a replongé dans la discographie du poète de Limoilou pour mettre en lumière 10 chansons connues ou méconnues, souvent laissées dans l'ombre de sa célèbre Marie-Hélène.

La basse ville (1975)

«Moi je suis d'une ruelle/comme on est d'un village.» Son horizon est là: des hangars de tôle, une tabagie, des sacs à poubelle. Sylvain Lelièvre se positionne d'emblée comme un auteur nostalgique, mais surtout comme un chroniqueur urbain.

Petit Matin (1975)

Son dernier album s'intitule Les choses inutiles. Sensible aux scènes de la vie quotidienne, le poète sait depuis toujours faire parler les objets et les décors apparemment sans histoires. Ce qu'il fait ici, en laissant déjà libre cours à son goût pour le jazz.

La banlieue (1979)

Ses deux enfants, ses dettes, sa solitude à deux, Sylvain Lelièvre était poète, mais aussi un banlieusard comme un autre. Son «je» n'est jamais plus noble que le nôtre parce que c'est lui qui est au micro. Il écrivait en tendant la main. Simplement.

Country Song (1975)

«Chaque nuit pendant son sommeil/Le pays rapetisse dans son lit [...] La langue rapetisse/Même la justice/Juste la police qui prend du poids/Mais c'est pour mieux rapetisser le tas.» Compte tenu de l'actualité récente, certains se diront peut-être que plus ça change, plus c'est pareil...

Le chanteur indigène (1977)

Indépendantiste, Sylvain Lelièvre l'était, mais ne l'a jamais exprimé aussi clairement que sur son album Intersections (1980). Autrement, ses chansons ne sont pas «engagées», mais pas non plus «dégagées», comme il disait. Celle-ci illustre bien sa position nuancée: «On est toujours un peu l'Iroquois de quelqu'un [...] Je vous laisse penser quel peut être le vôtre».

Tout ça pour tromper l'ennui (1989)

Transportée dans les années 80, Marie-Hélène pourrait être cette fille qui fraie dans les sous-bois des bars, d'aventure en aventure, sur fond de pop jazzy un brin rigide - très eighties... et dépassée -, de solitude et de sida. Sylvain Lelièvre savait saisir l'air du temps... et esquisser de beaux portraits de filles.

Qu'est-ce qu'on a fait de nos rêves? (1993)

«Se peut-il qu'en prenant de l'âge/On déserte son propre coeur», demande le poète, qui doutait comme d'autre ont la foi. La manière est classique et étonnamment posée. Seul le piano pèse sous les mots, l'air de dire que cette question est fondamentale. Une chanson qui vrille encore le coeur.

Le joueur de piano (1998)

Daniel Lavoie signe la musique et Sylvain Lelièvre, le texte. Combinaison ludique, volontiers autodérisoire, mais aussi traversée d'éclairs de vérité. La version live donne la mesure de l'énergie rayonnante qui se dégageait des spectacles de Lelièvre lorsqu'il s'est - tardivement - laissé aller à son «versant jazz».

La vitre vide (1977)

La dualité de Sylvain Lelièvre sur le plan musical se retrouve tout entière dans cette chanson d'amour triste où son héritage de chanson française danse élégamment au bras de ses racines jazz. Un magnifique pas de deux, plein de lyrisme et de gouttes de pluie dans la fenêtre.

Le plus beau métier (1997)

Il n'a jamais roulé en décapotable sur l'autoroute du show-business. Il a connu des creux de vague. Il a été ce professeur de cégep qui doute «pour quelques yeux ravis». Sylvain Lelièvre n'a jamais cessé d'écrire ni de chanter, parce qu'il n'y a pas «plus beau métier que de tenir parole». La sienne porte encore. Surtout, elle transporte.

Dix ans déjà, avec Jessica Vigneault, Annie Poulain et Philippe Noireault, le 3 novembre à 20h, à la maison de la culture Maisonneuve.