Rapper d'Algérie, Lotfi Belamri, alias Lotfi Double Kanon, n'est venu qu'une seule fois à Montréal. Ce soir, dans le cadre du Festival du monde arabe (FMA), il compte remplir l'Olympia de ses fans, qui le considèrent comme un pionnier du hip-hop en Afrique du Nord.

«On dit de moi que je suis l'un des premiers rappers algériens? On dit ça... En vérité, je suis parmi les premiers à avoir été dans les médias. Dans la chronologie du rap en Algérie, on ne sait pas qui a vraiment commencé. Cette culture arrivait de partout», dit le MC de 37 ans.

Le hip-hop est né en Algérie à une époque marquée par le chaos social et la violence islamiste. En 1997, au cours d'un concert, Lotfi a été interrompu par les forces de l'ordre, ce qui a mis le feu aux poudres dans la salle. De concert avec son ami Waheb, cet étudiant en génie géologique a alors constitué le groupe Double Kanon, dans le but de tirer à bout portant sur toutes les injustices dont la jeunesse algérienne était affligée. D'où ce «kanon». Quant au «double», il désignait l'intention d'aborder les deux côtés de la médaille et donc d'adopter une position critique. «Au début, rappelle Lotfi, nous avons été victimes de désinformation. L'État disait de nous que nous étions soutenus par des terroristes. C'est que nous avions pris le risque de parler publiquement, d'assumer nos positions sur des questions sociales ou politiques. Nous avons dit tellement de choses qu'on a fini par nous laisser faire avec l'appui massif du public. Ainsi, nous avions profité du chaos de cette décennie noire pour nous exprimer, dire, dénoncer... C'est ensuite devenu plus admis.»

Double Kanon et autres protagonistes du hip-hop maghrébin ont d'abord été influencés par ce rap venu de France et des États-Unis.«Nous l'avons adapté à notre culture, dit-il. Contrairement aux Américains, nous n'étions pas dans les valeurs de l'exhibitionnisme, de la délinquance, du gangstérisme ou du pouvoir de l'argent. Notre culture arabo-musulmane inspirait le respect par rapport aux femmes ou aux parents, par exemple. En fait, nous parlions de ce que nous vivions en tant que jeunes adultes. Ce que nous faisons encore aujourd'hui, d'ailleurs. Nous abordons les questions du chômage, du pouvoir en place, de la discrimination, des relations entre hommes et femmes, etc. Nous sommes un miroir de notre société, le public se reconnaît en nous.»Et sur le plan musical?

«Au début, nous avons dû nous débrouiller avec les moyens du bord, répond Lotfi. Nos premiers enregistrements offraient un son lourd, plutôt simple. Progressivement, nous avons introduit des sonorités magrébines et arabes. En 2012, nous sommes presque dans la world music, mais avec une vraie touche rap. Sur scène, donc, pas de machines ni de DJ. Nous n'avons que des instruments: claviers, guitare, basse, batterie, percussions traditionnelles. Nous sommes passés de l'underground à la sono mondiale.»

De l'underground à la sono mondiale et de l'Algérie à la France. En fait, Lotfi fait la navette entre Annaba, sa ville d'origine, et Grenoble.

«Je suis musulman pratiquant, indique-t-il, et aussi citoyen laïque. Je ne peux imposer ma religion à quiconque. Je crois au respect des libertés individuelles et à la démocratie, mais je sais que ça prendra encore beaucoup de temps pour que mon pays y parvienne. La démocratie est tout un programme, vous savez, on ne peut l'implanter sans éducation. Nous ne sommes pas à ce stade en Algérie. Il ne faut pas abandonner pour autant.»

Lotfi Double Kanon ce samedi, 20h, à l'Olympia.



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À VOIR AU FMA



Les Violons Barbares

Multi-instrumentiste d'origine bulgare, Dimitar Gougov rappelle à qui veut l'entendre que le terme «barbare» provient du grec ancien et désignait jadis tout blabla incompris des usagers de la langue dominante. Il s'agit pour ce power trio atypique de dédouaner le sens originel du terme puisque la musique est une langue universelle dont tous les êtres humains de toutes cultures peuvent s'imprégner. Attitude rock en prime.

5e salle de la Place des Arts, vendredi 2 novembre

Macadi Nahhas et OktoEcho

Dotée d'une voix aérienne et dont le voile diaphane peut mener à de hautes altitudes, Macadi Nahhas est une chanteuse moyen-orientale à découvrir. Originaire d'Oman, cette superbe interprète puise dans tous les patrimoines de la grande région dont elle est issue: Jordanie, Syrie, Irak, Palestine, Liban. Ce qui n'exclut pas les incursions dans les musiques contemporaines non orientales, dont le jazz et les musiques afro-latines. Au FMA, on qualifie Macadi Nahhas d'étoile montante de la scène arabe contemporaine. Elle fait aussi preuve d'un engagement humaniste.

5e salle de la Place des Arts,  jeudi 1er novembre, 20h.