Père d'origine arménienne, mère syriaque, religion catholique, nationalité syrienne, résidence à Damas. À tort, on imagine une certaine homogénéité moyen-orientale lorsqu'on s'intéresse à la culture de cette région dont est issue Lena Chamamyan.

Chanteuse de haut niveau, Lena Chamamyan exhale de superbes airs arabisants, chants aériens bellement teintés de jazz et d'autres musiques du monde.

«J'ai commencé le chant par la musique religieuse. Toute petite, j'ai commencé à écouter du jazz, grâce à mon père qui aimait jouer la trompette et le saxophone. De Louis Armstrong au bebop, j'ai écouté. Au départ, je ne savais pas ce que c'était, je savais c'était quelque chose de non oriental. Je trouvais ces musiques un peu étranges, mais j'adorais!»

Lena Chamamyan est polyglotte. Outre l'arabe et l'arménien, elle parle français, maîtrise encore mieux l'anglais.

«Bien que je vive à Damas, je voyage depuis toujours avec ma famille. Toute ma vie, ces déplacements m'ont ouvert l'esprit. Ç'a toujours été comme ça. Je suis un mélange, je ne suis pas pure dans mes influences. Ma musique est un mélange de musique orientale, de jazz, de musique latine et plus encore. J'écoute les musiques du monde, le jazz, la musique classique. J'aime les musiques soufies, j'adore le fado portugais, la musique des Balkans, la musique grecque, turque, arménienne, la musique africaine, la musique classique indienne.

«Ma musique est un mélange de plusieurs mondes. Vous savez, le chant classique oriental ne mise pas trop sur l'émotion. On se préoccupe du texte et d'une grande technique vocale. Longtemps, il a été honteux d'exprimer des émotions via le chant dans le monde arabe. La musique arménienne, cependant, autorise les émotions dans l'expression. C'est mon cas. Et c'est pourquoi j'aime les chanteuses et chanteurs comme Ella Fitzgerald, Dianne Reeves, Dulce Pontes, Amalia Rodriguez, Dhafer Youssef et, bien sûr, les grandes chanteuses arabes telles Fairuz et Oum Kalthoum.»

Le chant arabisant, explique Lena Chamamyan, peut être lyrique ou tarab, c'est-à-dire axé sur la puissance, le coffre et l'émotion sans nuances. «Je suis plutôt lyrique, mais je ne repousse pas l'émotion», résume la chanteuse. Et il semble que sa mixture soit fort bien acceptée dans son pays. À Damas, elle s'est produite devant des publics considérables, jusqu'à 7000 personnes selon ses dires.

«Mon troisième album y sera bientôt lancé. Y ont participé: un batteur libanais, un pianiste arménien, un contrebassiste, une section de cuivres. Ce sera le plus jazzy de mes disques. Je travaille déjà sur le quatrième, où l'accompagnement sera plus réduit: piano et kanun.»

Aucune velléité pop pour cette soprano, force est de constater.

«Culturellement, je dirais que la pop à l'occidentale n'est pas très répandue en Syrie. On peut y entendre beaucoup de musique classique occidentale, beaucoup de musique classique arabe et orientale, aussi du jazz moderne et des musiques du monde. La pop? La Syrie est un pays que je qualifierais de sérieux. L'arabe parlé y est très proche de l'arabe classique, la culture locale est le reflet de ce sérieux. On y préfère les musiques exigeantes ou encore la tradition orientale, les grandes chanteuses arabes, etc. Bien sûr, il se trouve des amateurs de rock mais...»

Pas de flafla à l'horizon, donc. Six musiciens de l'ensemble OktoEcho accompagneront Lena Chamamyan ce soir. Piano, contrebasse, trompette, percussions, oud.

«Je voyage souvent seule, je me fais accompagner par d'excellents musiciens locaux, indique la chanteuse. Je préconise cette manière pour l'instant, car elle me permet de découvrir de nouveaux esprits, de nouvelles valeurs. Si je compte rester à Damas pour toujours? Je m'y plais, mais je ne fais aucun plan.»

Lena Chamamyan se produit ce soir, 20h, à la Cinquième Salle de la PdA