Les FrancoFolies, Montréal en lumière et la semaine de la fierté gaie de Toronto peuvent remercier le ministre de l'Industrie, Tony Clement, pour le manque à gagner dans leurs budgets cette année. Car c'est le ministre lui-même qui a choisi quels événements recevraient un financement dans le cadre du controversé Programme des manifestations touristiques de renom.

Au moment de l'annonce des récipiendaires de la deuxième année du programme, à la mi-mai, le gouvernement conservateur avait été vivement critiqué par l'opposition et l'industrie culturelle et touristique pour sa distribution des fonds.

Les FrancoFolies de Montréal s'étaient notamment vu refuser, à un mois du début de l'événement, un financement de 1,5 million $, que le festival s'attendait à recevoir comme en 2009. Pour pallier à la réduction de 15% de son budget, le festival a d'ailleurs invité les festivaliers à lui faire un don.

Et le festival gai de Toronto a dû se passer cette année des 600 000 $ qu'il avait demandés au programme, alors qu'il s'était vu accorder près de 400 000 $ en 2009.

De passage en comité parlementaire, jeudi, le sous-ministre d'Industrie Canada, Richard Dicerni, a indiqué que le ministre Clement avait pris lui seul la décision finale, quant aux projets qui recevraient une subvention. Ce qu'a confirmé M. Clement, à sa sortie des Communes, en après-midi.

Le ministère a présenté une liste de 88 projets au ministre, qui a par la suite réduit ce chiffre à 47 heureux élus.

«Je prends la responsabilité de toutes les décisions dans mon ministère. Ils (les fonctionnaires) me font des recommandations (...) et ensuite évidemment nous avons des critères pour s'assurer que (les fonds sont) distribués de façon égale à travers le pays», a défendu M. Clement.

Le ministre a toutefois eu du mal à préciser les critères sur lesquels il s'est fié pour restreindre la liste de projets.

Et le chèque en blanc accordé au ministre a fortement été dénoncé par les membres de l'opposition qui siègent au comité du patrimoine.

«On se rend compte que le ministre a carte blanche sur à peu près 100 millions $ de fonds publics et qu'il n'a pas à se justifier en aucun moment de ces fonds. Et ça, c'est extrêmement inquiétant», s'est indigné le porte-parole libéral en matière de patrimoine, Pablo Rodriguez.

Car en plus, ce n'est qu'au cours de l'étude des candidatures que le ministre a décidé de modifier les critères d'admissibilité, afin de diversifier le financement. Le Programme de manifestations touristiques de renom (PMTR) tenterait dorénavant de privilégier des projets dans différentes régions du pays et financerait seulement deux événements par grande ville.

Le PMTR, prévu dans le plan de relance économique du gouvernement conservateur de 2009, a été mis sur pied pour aider l'industrie touristique et attirer des visiteurs internationaux. L'enveloppe de 100 millions $ a été répartie sur deux ans.

Mais le programme avait reçu trop de demandes de subventions, a plaidé M. Dicerni, pour justifier les choix qu'a dû faire son ministre.

Or, selon l'opposition, les fonds ont été répartis de façon «injuste» et l'ajout de critères une fois la mise en candidature terminée est «odieux», a scandé la bloquiste Carole Lavallée.

L'an dernier, le PMTR a distribué 47,5 millions $ pour 60 projets dans 26 villes du pays. En 2010, le financement de 47 événements, dans 35 villes canadiennes, a totalisé 39,2 millions $.

Des 100 millions $, une douzaine de millions de dollars n'ont donc pas été versés.

Outre quelque 5 millions $ en frais d'administration, 8 millions $ de l'enveloppe du PMTR ont plutôt été déposés à la Commission canadienne du tourisme, une décision qui a elle aussi été dénoncée, puisqu'il s'agit d'un «détournement de fonds» selon Mme Lavallée.

«Ils avaient l'argent pour répondre à Montréal en lumière, ils avaient l'argent pour répondre aux FrancoFolies, mais ils l'ont envoyé à la commission touristique pour des raisons nébuleuses, pas très claires, et la commission touristique n'était même pas éligible au programme», a critiqué la porte-parole du Bloc en matière de patrimoine.

Le ministre Clement a eu du mal à préciser les motifs de ses décisions, plaidant qu'il pouvait justifier chacun des 47 projets retenus mais ne détaillant pas son raisonnement au moment de faire ces choix parmi la liste retenue par son ministère.

«L'admissibilité ne se traduit pas automatiquement par du financement. Bien sûr, il y avait plus d'argent en demande que ce qui était disponible (...) je peux défendre chacun (des projets choisis)», a rétorqué le ministre de l'Industrie, sans élaborer davantage.

M. Dicerni a soutenu, en comité, que les critères du programme n'avaient pas changé, outre l'effort de régionaliser le financement.

Pour l'opposition, il n'y a donc aucun doute: M. Clement a agi par idéologie.

«Sur quelle base sait-il que tel festival est mieux qu'un autre événement?», s'est questionné M. Rodriguez.

«Il (le ministre) ne l'a pas cette expertise-là. Il y va sur la base de considérations extrêmement politiques et, à certains moments, idéologiques», a-t-il estimé, en soulignant qu'aucun festival ou événement adressé aux communautés homosexuelles du pays n'avait été retenu par le PMTR.