Depuis 2012, Flume a contribué substantiellement aux avancées de la pop électronique mâtinée de hip-hop et de pop indie. Très au fait des nouvelles technologies, le jeune homme avait plongé son alliage dans des fluides alors inédits.

Hier soir, au pied de la scène Verte, c'était moins inédit... car des centaines de milliers de fans ont, depuis, intégré ce langage électro mis au point par Flume et autres précurseurs de sa génération.

Le succès de cet artiste, en fait, est attribuable à un dosage équilibré de musiques populaires et d'arrangements peu communs pour le jeune public de masse qu'il joint et qu'il élève.«Sorte de pop électro qui se transforme parfois en pop vocale, lorsque la chanteuse canadienne Kai entonne à ses côtés Never Be Like You, ou qui se transmute en hip hop lorsque le rapper californien Vince Staples fait une apparition surprise dans  Smoke & Retribution

L'artiste australien aura déployé l'artillerie lourde pour ainsi constituer une des attractions majeures de cette première journée à Osheaga.

Seul aux commandes d'un puissant véhicule audiovisuel avec projections 3D de type holographique, Flume convie ses fans à un spectacle total, authentique son et lumière à l'ère numérique.

À LA HAUTEUR DE SON TALENT

Surexcité dès la première mesure de Lift Me Up, le jeune et brillant Vince Staples s'est donné à fond sur la scène de la Vallée.

Encore peu de Montréalais savaient de quel bois le rapper afro-américain se chauffait sur scène, une petite heure passée à ses côtés nous a fait découvrir un MC de haut niveau, dont le flow souple et précis porte des textes intelligents, lucides... que l'on peut aussi qualifier de sensibles.

Il nous fait aussi voyager, Vince Staples, on s'imagine aisément avec ce mec de 23 ans et ses potes, à flâner sur un coin de Long Beach, dans la région de Los Angeles. On y cause de la vie et on ne dit pas de sottises malgré la dérision et le cynisme évidents du propos.

Au programme de cette conversation n'est pas vraiment évoquée la Californication de Red Hot Chili Peppers, qui se produisait hier à l'autre bout du site d'Osheaga, au même moment. Bien sûr, on fut invité par le MC à crier un « fuck the police » bien senti... Chez nos voisins (noirs) du Sud, ce n'est vraiment pas une blague...

Ayant coiffé sa prestation en surfant lui-même sur la (petite) foule venue à sa rencontre, Vince Staples était hier seul avec son DJ, qui faisait aussi office de second MC. La force du propos nous a rapidement fait oublier le minimalisme des moyens. On aura entendu plusieurs titres de ses mixtapes et, surtout, de son excellent album Summertime '06. On ne peut plus pertinent pour l'été 2016...

LATEX, BALLONS, BULLES, TORSIONS DE FRÉQUENCES

Originaire de Glasgow, le Londonien Samuel Long a la couette rousse, longue, ondulée. Ses lèvres sont peintes d'un rouge qui ne passe pas inaperçu. Idem pour son perfecto de cuirette, très noir et très luisant. Ses images sont projetées en noir et blanc pendant la moitié de son set, les couleurs se mettent à dégouliner jusqu'à ce que le musicien invite une chanteuse parfaitement inconnue à nous répéter ad nauseam « that's the way I am ».

Son nom d'artiste est Sophie, il a mis au point un truc qui lui est propre. Et voici comment ça fonctionne : des chansons de facture R&B, soul, hip-hop, J Pop ou K Pop sont des matières premières, dont il accélère systématiquement la voix, modifie les rythmes, triture les riffs synthétiques. À l'évidence, ce mec aime les hachures et les torsions de fréquences. Et il aime nommer ses effets sonores « latex, ballons, bulles, métal ou plastique ».

Qui plus est, Sophie prend un malin plaisir à faire contraster des sons brutaux et des mélodies légères qui rappellent le easy listening ou les trames sonores pour enfants. Mélange étrange ? Le Village de Nathalie n'est certes plus ce qu'il était, mais tous ses habitants dansent à gogo.

L'AMBIANCEUR PARFAIT

DJ et réalisateur emblématique de la scène berlinoise, le personnage principal du film Berlin Calling est, dans la vraie vie, un maître ambianceur à qui l'on a confié hier la scène Piknic Électronik. Pour deux heures bien tassées, juste avant la pénombre, question de faire rougir le soleil avant son dodo. On se doute bien qu'une portion majoritaire du public présent ne savait pas exactement qui se produisait devant elle, mais... ce public devinait à l'évidence que ce trentenaire chauve, arborant un t-shirt noir, était parfaitement apte à mettre le party dans la place.

En Europe et en Allemagne, en tout cas, Paul Kalkbrenner est un incontournable. Spécialiste des amalgames house et techno, on voit tout de suite chez lui cet intérêt marqué pour la cohabitation du beat et de la mélodie consonante sur la piste de danse. Les ponts et chorus de chansons hautement mélodiques sont ainsi injectés dans le beat. Notre homme peut être plus sombre et plus corrosif à ses heures, il était hier plutôt festif, estival, toujours au confluent de l'électro et de l'indie pop.

Voilà un DJ d'expérience qui, sans faire la pute, sait manoeuvrer dans de tels événements de masse, là où la mission essentielle consiste à égayer et faire danser les 18-25 ans.