Plongeant la tête la première dans le grand bain Osheaga, nos journalistes ont passé la journée de samedi à courir les concerts, grands et petits, donnés un peu partout dans le parc Jean-Drapeau. Ils partagent avec vous leurs impressions sur quelques-uns de ces spectacles.

Against Me!: transe punk, transgenre

La communauté punk connaît l'histoire du chanteur du groupe Against Me!, band respecté depuis nombre d'années. En 2012, son frontman a changé officiellement d'identité sexuelle; Tom Gabel est devenu Laura Jane Grace. On a craint le schisme au sein de la formation, appréhendé la désaffection des fans. Le groupe s'est reconstitué autour du chanteur devenu chanteuse, les appuis se sont multipliés. Dans le cas qui nous occupe, « transsexuelle » rime avec « rebelle ». Évidemment, impossible d'éviter la question lorsqu'on assiste au concert. De quoi a-t-elle l'air désormais? Au bord de la (scène de la) Rivière, mutation à peine perceptible. La voix n'a changé ni de ton ni de registre, le look féminin s'avère à peine appuyé. Devant nous, un groupe punk fervent et expérimenté, avec pour matière principale le récent opus Transgender Dysphoria Blues. La vie continue.

- Alain Brunet, La Presse

Local Natives: des harmonies ensoleillées

Local Natives a presque été accueilli sur la scène de la Rivière comme une gloire locale, avant même de dire qu'il avait enregistré son deuxième album dans notre ville. Il ne faisait pourtant aucun doute que nous avions devant nous des enfants de la Californie, dont ils maîtrisent les harmonies vocales ensoleillées d'une autre époque. Ajoutez à cela l'importance qu'ils accordent à la rythmique et un goût certain qui leur fait emprunter aux Talking Heads la chanson Warning Sign, et vous comprendrez pourquoi nous sommes depuis samedi quelques milliers de plus à avoir hâte d'entendre le prochain album de ces cinq brillants musiciens.

- Alain de Repentigny, La Presse

Volcano Choir: volcan en faible activité

En quoi Bon Iver est-il meilleur que Volcano Choir, l'autre groupe de Justin Vernon? Par les arrangements visionnaires. Par cette formidable symbiose entre instruments acoustiques et synthétiques. Par ces mélodies poignantes, parfois tragiques. Cette avancée formelle au domaine de l'indie folk. Fondé au Wisconsin en 2005, Volcano Choir existait avant que Justin Vernon ne crée Bon Iver. Samedi, Osheaga accueillait ses musiciens, incluant Vernon comme chanteur principal. Profusion de guitares, basse, claviers, batterie. Généralement entonnées par le soliste (qui utilise moins sa voix de fausset), parfois émises à l'unisson, les mélodies n'ont pas de signature particulière. Les signes distinctifs se font attendre, ils se manifestent sur quelques ponts de quelques chansons. On repassera pour l'éruption. Samedi après-midi, la scène de la Montagne n'avait rien de volcanique.

- Alain Brunet, La Presse

Phantogram: danse et chuchotement

Phantogram vient de l'État de New York, mais sa musique électro-pop-dance et son propos pas toujours jojo donnent l'impression qu'il a du sang européen. Son récent album Voices flirte parfois avec le R & B et la chanteuse Sarah Barthel y est plus expressive, plus en voix. Samedi après-midi, elle habitait véritablement la scène Verte, dansant au rythme incessant de la musique produite avec ses trois copains, mais sa voix susurrante n'était qu'un instrument de plus, perdue dans le mix. Juste comme ça devenait redondant, le groupe a fini avec la sombre Celebrating Nothing, dont l'intensité nous a presque donné envie d'en écouter un peu plus.

- Alain de Repentigny, La Presse

Haim: à la puissance trois

N'assimilez pas Danielle, Alana et Este Haim à trois chanteuses starlettes. Sur scène, les trois soeurs jouent et s'échangent à peu près de tous les instruments. Il ne faut qu'un quatrième musicien pour reproduire les versions live explosives de leurs chansons. En spectacle, les airs R & B, folk-pop seventies et même hard rock de leurs compositions prennent du muscle. Inspirées, pour ne pas dire possédées (surtout l'aînée, Este), les filles aux longs cheveux fougueux ont rocké au son de Fallin', My Song 5 et If I Could Change Your Mind. Avec un album rempli de tubes et trois filles charmantes qui donnent tout sur scène, tout est réuni pour un spectacle qui dépasse les attentes et qui annonce que le meilleur est à venir pour Haim.

- Émilie Côté, La Presse

Modest Mouse: pas de malaise, juste des hits

Avec Modest Mouse, il faut s'attendre au pire comme au meilleur. Tout dépend de l'humeur instable de son chanteur. Il y a deux ans, au festival Governors Ball, nous avions eu droit à un spectacle généreux. L'an dernier, à Coachella, le comportement erratique et confus d'Isaac Brock a suscité un gros malaise. Samedi soir, à Osheaga, Brock et sa bande ont répondu aux attentes avec un spectacle de leurs plus grands succès. Ils avaient activé le pilote automatique. En mode dynamique, heureusement, si bien que les fans du groupe ont eu droit à une succession sans temps morts (sauf un titre inédit mystérieux et hormis un son brouillon) des deux excellents albums The Moon & Antarctica et Good News For People Who Love Bad News. Les gens ont chaudement accueilli 3rd Planet, Dashboard, The World At Large et la rassembleuse Float On. Brock a été suffisamment convaincant faire espérer à la foule qu'il y aura peut-être un nouvel album de Modest Mouse un jour. C'est le cas, rapporte-t-on.

- Émilie Côté, La Presse

Kaytranada: le meilleur est à venir

On l'a vu briller lors de soirées souterraines du milieu hip-hop local, puis dans le cadre de festivals de plus en plus importants, dont l'Igloofest, en janvier 2013. Depuis, les enchères ne cessent de monter autour de ce doué Kaytranada. En une paire d'années, le DJ, beatmaker et réalisateur montréalais s'est taillé une réputation internationale, au point d'être mis sous contrat chez le prestigieux label anglais XL. Inutile d'ajouter que son set était attendu à Osheaga. Hip-hop et soul au menu principal du DJ mais aussi house, lounge, easy listening, dubstep, dub et bass music. Franchement agréable, parfois subtil, mais il faudra des prestations plus relevées avant qu'on puisse se dire « ça y est, ce mec a une signature assez puissante pour conquérir le monde ».

- Alain Brunet, La Presse