Depuis que Lykke Li a lancé I Never Learn, au printemps dernier, on a lu à maintes reprises que la chanteuse suédoise avait clos une trilogie. Dans une entrevue accordée récemment au journal britannique The Telegraph, la chanteuse raconte même qu'elle avait fait tatouer trois lignes sur son bras, au début de sa vingtaine, en vue des trois albums qu'elle allait lancer et qui allaient la libérer de ses tourments de l'époque...

Près de 10 ans plus tard, Lykke Li a accompli sa destinée. En entrevue téléphonique avec La Presse, la jeune femme raconte toutefois son parcours planifié à l'avance de façon moins poétique. «J'avais signé un contrat de trois albums, mais il y avait en effet une symbolique émotionnelle.»

Pour Lykke Li, I Never Learn ne marque pas tant la fin d'une étape discographique que la fin de sa vingtaine.

Honnêteté émotionnelle

Nous avons pu attraper brièvement la brunette suédoise au téléphone alors qu'elle se rendait à l'aéroport de Los Angeles, où elle vit actuellement. Son nouvel environnement californien l'a beaucoup inspirée, de la mer au désert. Lykke Li a roulé en voiture en écoutant des albums de Graham Nash, Joni Mitchell et Harry Nilsson. Elle s'est beaucoup inspirée de leur «honnêteté émotionnelle».

Ses albums Youth Novels (2008), Wounded Rhymes (2011) et I Never Learn (2014) ont tous exploité le thème du tourment amoureux. D'un disque à l'autre, l'intensité a augmenté. Des bricolages folk-électro rêveurs et intimes se sont transformés en ballades d'aréna viscérales. «J'ai seulement fait ce que mes chansons demandaient», dit-elle.

Son et images

Autant les pièces d'I Never Learn témoignent d'un chaos sentimental, autant une cohésion artistique enrobe l'album. La même rigueur dramatique perdure d'un titre à l'autre.

«Je suis une fan de musique. J'aime les albums de Neil Young, Bob Dylan, qui créent des mondes en soi sans en ressortir.»

Derrière la direction artistique mélancolique de Lykke Li s'entrechoquaient de véritables sentiments douloureux. «C'était une période difficile, dit-elle. J'étais bouleversée et j'écrivais des paroles intenses avec une réalisation intense. C'est pourquoi j'ai mis tant de temps à finir l'album.»

Percutant, le dernier clip de Lykke Li, Gunshot, présente sa propre mise à mort dans un stationnement glauque.

Celui de No Rest For The Wicked, réalisé par Tarik Saleh (qui a recouru à ses talents d'actrice dans son film Tommy), exploite le thème du racisme. La brunette y incarne l'amoureuse d'un jeune homme noir. Les habitants d'un petit village perdu refusent de les laisser mener une vie de couple paisible.

Jouer un personnage à l'écran? «J'adore ça, car ça permet d'apprendre des choses sur soi-même.»

La musique: ses racines

Lykke Li attend avec enthousiasme le début de sa trentaine (elle est née le 18 mars 1986). «J'arrive à une période plus mature de ma vie et je suis très excitée par l'avenir. I Never Learn m'a permis de fermer une porte, mais aussi d'en ouvrir une avec des chansons plus directes et extraverties.»

Lykke Li a déjà un bagage de vie impressionnant. Cette fille d'une mère photographe et d'un père musicien a un parcours de nomade. Sa famille et elle ont vécu au Portugal, au Maroc, au Népal et en Inde.

À 20 ans, Lykke Li a ressenti beaucoup d'amertume en raison de son enfance éparpillée. Elle se sentait trop vieille pour son âge, comme si elle en avait trop vu et trop vécu. «J'ai tourné cette négativité en quelque chose de positif, car j'ai appris beaucoup sur le monde et moi-même.»

Peu importe où elle se trouve sur la planète, Lykke Li aura toujours la musique pour combattre son mal du pays. «La musique est la seule chose qui m'enracine et me fait me sentir chez moi», dit-elle.

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Sur la scène Verte du parc Jean-Drapeau, dimanche soir, 21 h 55.