Elle vend des milliers d'albums, est en rotation à la radio et compte des millions de visionnements sur YouTube et sur Facebook. Roxane Bruneau ne connaissait personne dans l'industrie de la musique avant d'être découverte sur le web. Portrait d'une force de la nature qui a réussi à apaiser de graves troubles anxieux.

«Je n'ai pas de recul. C'est irréaliste. Je suis dans le déni. C'est comme cela que je survis au stress», lance Roxane Bruneau avec son rire fréquent et bien à elle.

Sorti il y a un an jour pour jour, son album Dysphorie s'est écoulé à plus de 10 000 exemplaires. L'auteure-compositrice-interprète est - permettez-nous l'expression - une outsider de la scène musicale québécoise. C'est sur l'internet que Roxane Bruneau s'est fait connaître avec ses chansons et ses sketches humoristiques. Près de 105 000 personnes suivent sa page Facebook, sans compter ses 18 500 abonnés YouTube et ses 12 000 abonnés Snapchat. Or, elle n'a pas encore offert son album sur Spotify.

«Je dois tout à internet», souligne-t-elle.

C'est là que Raymond Du Berger, son imprésario, l'a découverte. Le patron des Disques Artic a notamment travaillé avec Gerry Boulet et Dan Bigras.

«Je n'ai même pas l'impression d'être une artiste encore. Je te jure! Quand je suis avec d'autres artistes, j'ai le syndrome de l'imposteur. Je n'ai pas fait l'École de la chanson de Granby, de concours, Star Académie ou La voix. Je me sens presque mal...»

«C'est un milieu de rencontres et de contacts et moi, je ne suis pas passée par là. J'ai hâte de ressentir que j'ai fait mon chemin... Je pense que je suis gênée.»

Les FrancoFolies ont programmé Roxane Bruneau le 13 juin au Club Soda, rien de moins (et elle se promet d'y faire du bodysurfing pour la première fois de sa vie). C'est sans compter sa sélection pour le prix Félix-Leclerc de la chanson. «Dire que je pensais finir ma vie au Pizza Hut. J'étais tellement anxieuse. J'avais peur d'avoir peur», raconte-t-elle.

Roxane Bruneau a appris à maîtriser ses troubles anxieux. Et depuis l'hiver dernier, elle vit de sa musique. Elle a même laissé l'emploi qu'elle avait chez Telus. «Ma patronne sautait de joie. Elle était fière de moi.»

Ce qu'elle vit est «plus gros que nature», mais faire carrière en musique est un rêve que la jeune femme caresse depuis l'enfance. Elle le chante par ailleurs dans sa chanson J'pas stressée.

En Suisse

Roxane Bruneau doit s'envoler pour la Suisse pour donner deux spectacles au Festival Pully Lavaux à l'heure du Québec (les 4 et 6 juin). C'est un premier saut en Europe pour elle. «Je fais la première partie d'Éric Lapointe. C'est malade... je n'en reviens pas. Je chantais Terre promise quand j'étais petit boute.»

«J'ai pris l'avion pour la première fois de ma vie il y a deux semaines. Ma copine voulait que je me pratique. Elle m'a booké un voyage à Las Vegas. Je te dirais que l'avion n'est pas mon mode de transport préféré. Je me suis claqué une Gravol pour que ça aille bien.»

La chanteuse dit avoir beaucoup de caractère. Dans sa tête, tout va à deux cents milles à l'heure. Elle doit doser sa propre énergie, mais aussi tout l'amour qu'elle reçoit du public. En février dernier, elle a donné deux spectacles à la Cinquième Salle de la Place des Arts. «Au début, j'étais trop stressée et figée dans ma tête. Il a fallu que je redescende dans mon coeur.»

Vraie

Roxane Bruneau nous avait donné rendez-vous au café Tim Hortons du Village gai, car ce n'est pas compliqué. Après, elle comptait aller s'acheter une valise chez Winners pour son séjour en Suisse.

Vous l'aurez compris, Roxane Bruneau est sans faux-semblant. Elle a aussi un talent naturel pour les mélodies qui font pop. Or, c'est sans aucune intention radiophonique qu'elle a écrit J'pas stressée. «Je mets surtout l'accent sur les textes», signale celle qui a commencé à gratter la vieille guitare de sa mère à l'âge de 12 ans.

Roxane Bruneau reçoit des tonnes de témoignages en réaction à ses chansons Notre belle démence et Le diagnostic. «Notre belle démence, je l'ai écrite en deux minutes et demie chez ma mère sur le coin d'une table. Je pleurais... Je venais de me faire crisser là et j'avais tellement mal.»

Une prestation de Notre belle démence, mise en ligne il y a deux ans, a atteint les 2 millions de visionnements sur Facebook.

Dans Le diagnostic, la parolière parle de santé mentale et du moment où elle a appris qu'elle souffrait de troubles anxieux. «Au début, je ne voulais pas en parler, mais il y a tellement de gens qui s'identifient à moi. Et aujourd'hui, je me gère. Rien n'est impossible.»

Roxane Bruneau a un lien presque intime avec son public. Un couple assiste par ailleurs à chacun de ses spectacles, qui fusionnent musique et humour improvisé. «Je ne parle pas de mon public, mais de ma famille, précise-t-elle. Quand je leur parle en spectacle ou sur internet, c'est comme si je les invitais chez moi.»

Son groupe

Roxane Bruneau a coréalisé son premier album en studio avec Pascal Mailloux et Mathieu Brisset. Elle pense maintenant au deuxième. «Je te dirais que c'est plus compliqué. Avant, je n'avais pas la pression d'écrire [...] Et j'écris quand cela va mal et ma vie va tellement bien.»

Sur scène, son groupe est composé de Pascal Mailloux au piano et de Mathieu Brisset à la guitare, ainsi que du bassiste Marco Desgagné et de la batteuse Domino Santantonio. «Mon groupe est mon parachute. Moi, je me garroche et eux me retiennent tout le long du spectacle.»

Ses musiciens la rassurent quand il le faut.

À la fin du mois de mai, Roxane Bruneau a perdu à l'Aquarium de Québec la corne d'abondance qu'elle portait au cou. Lors de notre entrevue, elle appréhendait le premier spectacle qu'elle devait donner sans son porte-bonheur. «C'était un cadeau de ma grand-mère. Avant qu'elle décède, je ne faisais rien. J'avais un petit salaire de crève-faim chez Tim Hortons. C'est après son décès que tout a déboulé... C'est comme si elle me portait chance. Je prenais la corne dans mes mains avant les spectacles en parlant à ma grand-mère. Mais je ne l'ai plus et je commence ma tournée.»

Sur le chemin du retour, alors que Roxanne Bruneau sanglotait, ses musiciens lui ont dit: «Tu penses vraiment que tu dois ta carrière à un collier?»

La réponse est non.

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Au Club Soda le 13 juin dans le cadre des FrancoFolies.