Fin octobre, l'autorité de régulation de la publicité britannique (ASA) a interdit la dernière pub de Dior. Le motif: les longs cils de Natalie Portman, retouchés par ordinateur, pourraient tromper le consommateur sur les effets véritables du produit. Nous avons sondé des spécialistes pour tenter de comprendre où se situent les limites de l'acceptable.

De faux cils pour faire la promotion d'un mascara, des perruques pour vanter les mérites d'un shampoing, un fond de teint qui semble rajeunir la peau... Les exemples sont légion.

«Honnêtement, ça ressemble souvent à des guerres de clans», avance Sébastien Fauré, à la tête de l'agence de publicité Bleublancrouge. «On pourrait facilement imaginer que c'est la concurrence qui a porté plainte contre Dior. En juin 2011, une campagne de Lancôme avec Julia Roberts, qui vantait un fond de teint présenté comme un "créateur naturel de lumière", avait été jugée trop retouchée.»

«Lorsqu'on parle de beauté et de cosmétiques, on vend du rêve, dit Dominique Tremblay, président de l'agence Tuxedo. Alors, forcément, la réalité est magnifiée. Tout le monde le sait. La question est de savoir où se situe la limite. D'après moi, quand on utilise des outils en postproduction pour amplifier un phénomène sans le signifier clairement au consommateur, cela revient à mentir sur le résultat attendu.»

Selon Danielle Lefrançois, directrice des communications aux normes canadiennes de la publicité, tout le monde peut porter plainte. «Il suffit même qu'une seule personne se manifeste pour que la publicité soit passée au crible de notre code d'éthique, qui comporte 14 articles et des lignes directrices très claires, dit-elle. C'est d'ailleurs l'outil de base des publicitaires.»

Toutes les plaintes sont examinées et jugées selon ces normes. Ainsi, selon l'article 14, on ne peut dénigrer la femme ou l'utiliser comme objet pour vendre un produit.

Illustration: en novembre 2011, la publicité du parfum de Marc Jacobs Oh Lola a été dans la ligne de mire des instances anglaises. Pas de Photoshop cette fois-ci, mais un cliché jugé «sexuellement provocant, irresponsable et pouvant porter préjudice», alors que la jeune actrice de 17 ans Dakota Fanning posait avec un énorme flacon de la fragrance entre les cuisses.

Raymonde Lavoie siège à la section québécoise du Conseil des normes canadiennes de la publicité. Elle estime que «dans le cas des campagnes beauté, censées effectivement vendre du rêve, le curseur doit pouvoir se situer entre l'exagération et le bon sens commun. Mais une chose est sûre, si le message concernant le résultat semble mensonger, le publicitaire est tenu de rigoureusement prouver son propos.»

Et qu'en est-il au Québec? Sont-elles nombreuses? «Rien depuis 2009», affirme Danielle Lefrançois, des Normes canadiennes de la publicité. «Le dernier cas concernait une marque de mascara. Généralement, nous obligeons le publicitaire et l'annonceur à ajouter très clairement la mention «cils augmentés en post-production ou insertions de faux cils».

Étonnamment, les publicités pour les anti-rides mettant en scène des mannequins forcément jeunes ne font pas l'objet de plaintes.

Sébastien Fauré, de l'agence Bleublancrouge, conclut: «Depuis des années, la marque Dove a compris que les femmes d'aujourd'hui ne s'identifient plus à des mannequins trop parfaits. Et il ne faut pas oublier que les blogues et les réseaux sociaux participent à un retour à l'authenticité. Les marques qui en font trop se font rappeler à l'ordre.»

Photo: publicité de Marc Jacobs

Cette publicité a été interdite par l'autorité de régulation de la publicité britannique (ASA) parce qu'elle a été jugée sexuellement provocante, irresponsable et pouvant porter préjudice.