CPAM aurait pu choisir un meilleur moment pour fêter ses 10 ans. Victime d'un attentat au cocktail Molotov en juillet dernier, la radio haïtienne a été obligée de déménager ses studios dans un petit local du boulevard Saint-Michel.

Situation temporaire, affirme son directeur Jean-Ernest Pierre. Mais personne, même pas lui, ne saurait dire quand la station réintégrera ses locaux de la rue Crémazie.

«C'est difficile, mais on tient le coup, lance M. Pierre. Il faut prendre ça avec philosophie...»

M. Pierre convient que le contexte aurait pu être plus favorable pour cet anniversaire symbolique. Malgré tout, il dresse un bilan positif de sa première décennie.

«C'est la radio que je voulais faire, dit-il. Desservir le Montréal haïtien, tout en faisant le pont avec la société québécoise. Sans s'enfler la tête, je crois que nous avons changé les moyens de communiquer dans la communauté.»

En effet, CPAM a comblé un trou médiatique important. Avant, les rares émissions pour les Haïtiens étaient diffusées à la radio communautaire et seulement le week-end. Quant aux journaux, ils sont inexistants - chose étonnante vu la grosseur de la communauté (environ 100 000 personnes).

En diffusant sept jours sur sept, le 1610 AM s'est imposé comme un rouage important de la vie sociale et économique du Montréal haïtien.

«C'est un média important, résume Karine Joizil, de la Jeune Chambre de commerce haïtienne. Pour les entrepreneurs, c'est un outil de promotion important. Si on veut faire connaître notre emprise sur ce marché-là, c'est un passage presque obligé.»

«Ç'a eu un impact positif sur le plan commercial mais aussi social», ajoute Jean-Wesley Charles, propriétaire du magasin Polytronic, qui annonce régulièrement et qui a aussi son émission sur CPAM (Tendresse et confidences). «Maintenant, on sait que si on a un message à passer, il y a cette plateforme incontournable.»

Selon M. Charles, cet «impact» a été particulièrement visible pendant le tremblement de terre de 2010, lorsque la station est devenue le lieu d'échange principal des Haïtiens de Montréal.

«Jusque-là, les gens n'avaient pas saisi son importance», croit M. Charles. On ne connaît cependant pas les cotes d'écoute, car la station n'est pas abonnée au service de BBM.

Un one man show?

Cela dit, CPAM ne manque pas de détracteurs. Dans une communauté tissée serré, où les tiraillements sont notoires, la station est devenue la cible de beaucoup de mécontentement.

Certains lui reprochent de donner trop de place aux organes religieux et pas assez au créole (la station ne diffuse qu'en français).

D'autres déplorent son côté amateur, plus proche de la radio communautaire que commerciale. Puis il y a ceux qui critiquent son administration déficiente, en rappelant notamment la campagne de financement pour les victimes de Katrina en 2004, qui s'était terminée sur un vaste malentendu.

Mais les plus grosses salves visent M. Pierre lui-même. On trouve qu'il prend trop de place, qu'il est arrogant et que ses idées politiques sont trop tranchées. «Cette station, c'est un one man show. Il fait même les pubs!», confie une source qui préfère taire son nom. «Verrais-tu ça à Radio-Canada?»

Il est vrai qu'en participant à quatre émissions différentes (Réveil matin, Face à face, Grasse matinée, Parole d'Haïtiens), le grand patron en mène large. Mais pour ce qui est de ses opinions, elles ont au moins le mérite d'être variées. D'Aristide à Martelly, Jean-Ernest Pierre tire sur tout ce qui bouge... ce qui a pour effet de froisser un peu tout le monde.

Mais ne comptez pas sur lui pour s'excuser. Monsieur CPAM persiste et signe. «Je ne veux pas être aimé de tous, dit-il. On doit dire ce qu'on pense quand on prend la parole. Mon seul parti pris est pour Haïti. J'ai créé cette station pour donner une voix aux sans voix. Pourquoi je m'en priverais, moi?»

Du 1610 au 1410

M. Pierre assure que ces critiques n'ont rien à voir avec l'attentat de juillet, qu'on attribue à un règlement de comptes entre des promoteurs de spectacles haïtiens. Mais il admet que sa personnalité controversée a peut-être nui à la croissance de sa station, qui n'a pas su rassembler tous les pontes de la communauté. «Peut-être... je suis obligé de le dire...»

Pour le meilleur et pour le pire, CPAM est quand même là pour rester. D'ici décembre, si tout se passe comme prévu, CPAM va larguer son antenne montréalaise pour trois nouvelles antennes à Saint-Constant. Sa puissance passera de 1000 à 10 000 watts et la fréquence, du 1610 au 1410 AM.

«On installe les dernières pièces, conclut M. Pierre, sans cacher son impatience. Si ce n'était que de moi, ce serait fait depuis hier...»

Vous écoutez CPAM

Une radio comme les autres... ou presque. Les suggestions d'Et cetera.

> RÉVEIL MATIN

Animée par Pierre Emmanuel, blogueur et journaliste-vedette. L'équivalent de Paul Arcand ou de René Homier-Roy, avec météo, circulation et nouvelles.

Tous les jours de 6h à 9h

> ÉNERGIE POSITIVE

CPAM, c'est aussi quelques émissions latino. Énergie positive est notamment animée par Kiko, garagiste radio-man.

Tous les jours de 12h30 à 14h30

> L'APRÈS-MIDI EXPRESS

L'émission du retour à la maison. Infos, musique, rencontres, avec Pierre-Michel Bolivard et Sophie Stanké.

Tous les jours de 14h30 à 16h

> WEEK-END EN FOLIE

Musique haïtienne et antillaise. Trois heures de musique tropicale.

Samedi 15h à 18h

> LUMIÈRE SUR LE MONDE

Une des nombreuses émissions religieuses de CPAM, qui vend une partie de son temps d'antenne aux pasteurs. Animée par le révérend Jean Fils-Aimé, figure controversée du monde évangélique haïtien, à cause de ses opinions (favorables) sur le vaudou.

Dimanche 8h à 9h

> PAROLES D'HAÏTIENS

Débats sur la politique haïtienne, présentés par Jean-Ernest Pierre.

Dimanche de 18 à 20h

> D'UNE ÎLE À L'AUTRE

Culture d'Haïti et d'Haïti ici. Avec l'intimiste Magguy Métélus.

Dimanche de 22h à minuit

Photo Martin Chamberland, archives La Presse

Victime d'un incendie criminel en 2012, la station avait quitté temporairement ses studios du boulevard Crémazie, ci-haut.