Sa famille fabriquait des raquettes à neige depuis des générations. Gaston Bellemare, lui, a bifurqué vers la poésie.

Depuis plus de 30 ans, le festival de la poésie qu'il a fondé à Trois-Rivières bat son plein à l'automne, attirant maintenant une centaine de poètes des quatre coins du monde. Ses efforts ont été reconnus par l'Ordre national du Québec et l'Ordre du Canada, et plus tôt cette année, par sa nomination à titre de chevalier des Arts et des Lettres de France.

« J'ai consacré ma vie à la poésie, explique M. Bellemare. Depuis 1971, j'ai édité 1100 recueils de poésie. » Il a aussi beaucoup coédité à l'international, surtout en espagnol.

Son premier recueil a été celui du poète Gatien Lapointe, dont un précédent livre, Ode au Saint-Laurent, publié en 1962, l'avait marqué. « J'ai fondé une maison d'édition, les Écrits des Forges, avec lui et trois étudiants. »

À l'époque, il supervisait les stages des étudiants en tourisme de l'Université du Québec à Trois-Rivières, où il a aussi fondé l'École internationale de français, qui accueille chaque année plusieurs centaines d'étudiants étrangers. C'est d'ailleurs cette responsabilité en tourisme qui a mené au festival de poésie.

« En 1982, le gouvernement avait coupé de 20 % le salaire de tous ses employés. La première chose qu'on coupe, c'est l'argent pour les loisirs. Le livre est un loisir. Les ventes de livres avaient beaucoup baissé. » 

« J'ai demandé conseil durant un cours aux étudiants en tourisme. Ils m'ont dit de faire un festival littéraire, que les journaux allaient en parler comme d'un événement touristique. Ils n'auraient pas le choix que de parler de poésie. »

Le premier festival, en 1985, était national et ne durait que trois jours. À partir de 1991, des invités sont arrivés de France, et maintenant, une trentaine de pays sont représentés. La durée a passé de trois à dix jours. « Tout se passe en français et dans la langue du poète. Ils doivent arriver ici avec 25-50 poèmes déjà traduits en français. On les met en lien avec des traducteurs. » Les poètes paient la traduction eux-mêmes.

«Savoir d'où on vient»

Un invité a-t-il déjà demandé le statut de réfugié? « Jamais, dit M. Bellemare. Ils demandent l'asile poétique. »

La passion pour la poésie lui vient-elle de ses parents? « Mon père et ma mère ensemble ont une dixième année. »

« Durant le cours classique, la poésie m'intéressait beaucoup. Je trouvais que les romans avaient trop de mots. À l'époque, le mot "québécois" n'existait même pas, on parlait de littérature canadienne-française. J'ai lu Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, évidemment, mais j'aimais beaucoup Claudel et la poésie canadienne-française de l'époque, Nelligan évidemment, mais aussi de la poésie un peu catholique, très rurale, du dimanche après-midi, Charles-Nérée Beauchemin de Yamachiche ou Louis Fréchette de Nicolet, Clément Marchand qui a été le premier à parler de la ville. J'ai connu la poésie québécoise juste avant qu'elle ne change. C'est important, savoir d'où on vient. »