Malgré la fanfare qui a accompagné les invités de la nouvelle Maison des libraires à la Place Archambault, on ne sentait pas vraiment la fête, hier à l'ouverture du 38e Salon du livre de Montréal.

La fête, non, mais la compassion, le désir d'échange et la volonté de combattre, oui... «Le livre est une arme de très grande portée contre l'obscurantisme, l'ignorance et l'intolérance», a lancé la présidente du Salon, Gilda Routy, lors de la courte cérémonie où brillaient par leur absence les personnalités politiques, québécoises et montréalaises, d'habitude présentes à l'événement. Mme Routy s'est consolée en annonçant que la ministre de la Culture, Hélène David, allait participer dimanche, à titre de représentante du Parti libéral du Québec, à la table ronde «Que lisent nos politiciens?» (Place Confort TD, 15 h 30).

Comme il est de coutume lors de l'inauguration, par ailleurs, le Salon a remis le prix Marcel-Couture, décerné à une maison pour «un travail d'édition exceptionnel» dans la publication d'«un ouvrage illustré original en langue française». Le jury a décerné le prix aux Éditions du Septentrion pour le tome 1 de Curieuses histoires de plantes au Canada, des auteurs Alain Asselin, professeur de phytologie, Jacques Mathieu, professeur d'histoire, tous deux de l'Université Laval, et Jacques Cayouette, botaniste à Agriculture Canada. Avis aux curieux de la chose verte: le tome 2 vient de sortir.

Du florilège de Vallet au chanvre de l'Acadie, en passant par l'Anedda de Cartier et le gaïac, tout y est dans ce livre que le jury a trouvé «riche en informations scientifiques et culturelles, accompagné de magnifiques illustrations se rapprochant d'un herbier».

En acceptant au nom du Septentrion le prix de 10 000 $ en placement publicitaire offert par La Presse, l'éditrice déléguée Sophie Imbeault a vu dans cette récompense à ces histoires de plantes «un bouquet offert au peuple français».

Les autres finalistes au prix Marcel-Couture, du nom d'un ancien président du Salon du livre, étaient Révolutions de Nicolas Dickner et Dominique Fortier (Alto), Quartiers disparus de Catherine Charlebois et Paul-André Linteau (Cardinal), Ainsi cuisinaient les belles-soeurs dans l'oeuvre de Michel Tremblay d'Anne Fortin (Flammarion Québec), C'est fou mais c'est tout de Gilles Valiquette (Éditions de l'Homme) et Élixirs de Marie-Ève Bourassa (VLB éditeur).

De façon très sobre, la mémoire de deux disparus a été honorée, hier soir. Sans la nommer, Gilda Routy a d'abord parlé de Lola Salines, ancienne stagiaire aux Éditions de l'Homme, tuée vendredi à Paris dans l'attaque du Bataclan. La jeune femme, très appréciée de ses collègues montréalais, nous a dit l'éditeur Pierre Bourdon, était rentrée en France pour se joindre aux Éditions Gründ.

L'autre disparu dont Gilda Routy a rappelé le chaleureux souvenir est, bien sûr, Georges-Hébert Germain, emporté la semaine dernière par un cancer à l'âge de 71 ans. Journaliste, commentateur et auteur d'une vingtaine d'ouvrages, «GHG» était toujours à sa mort président d'honneur du Salon du livre et Mme Routy a cité l'essentiel de sa dernière intervention publique à ce titre, au Salon de 2012.

«Il n'y a pas d'étranger au Salon du livre», avait alors affirmé Georges-Hébert Germain, infatigable promoteur du «nous» livresque. «Tout le monde y est chez soi, tout le monde peut y trouver de quoi se divertir et s'instruire, se connaître mieux, se libérer, voyager dans tous les espaces et dans tous les temps, rire et pleurer. Le livre touche à tout, il se nourrit de tout, on peut lui arracher des clés, y trouver un sens à la vie, à toutes les vies. Peu importent sa forme, ses caractères, ses sujets, les matériaux dont il est constitué, peu importe qu'il soit électronique ou de papier, il parle à tout le monde.»

Georges-Hébert Germain aussi parlait à tout le monde, de livres surtout, pour essayer, oui, de trouver des clés qui, comme maintenant, nous échappent.