À la fois illustrateur et auteur, Rogé (Roger Girard de son vrai nom) charme depuis des années ses jeunes lecteurs, entre autres avec Le gros monstre qui aimait trop lire, pour lequel il a reçu le prix du Gouverneur général en 2006. Ses fans attendront sûrement sous le sapin Tyrano de Bergerac, une préhistoire d'amour et Tyrano au nez rouge, ses plus récentes créations.

De la littérature, on a souvent dit qu'elle permet de voyager sans sortir de chez soi. Est-ce selon vous le meilleur moyen, à la portée de tous, pour découvrir le monde?

Certainement. J'ai visité à maintes reprises une partie de l'île d'Hispaniola, confortablement assis chez moi grâce à l'auteur Dany Laferrière. Si vous lisez Pays sans chapeau ou L'odeur du café, vous allez sentir Haïti comme si vous y étiez. L'auteur nous amène dans son village natal. Soudainement, nos pas deviennent lourds et nos yeux dévorent cette luxuriante végétation. À travers les livres, je garde des impressions de découvertes et de rencontres, je dirais même des souvenirs de voyage.

À quel pays ou à quelle culture appartient véritablement un écrivain, à votre avis? La littérature est-elle un «autre pays»?

Pour moi, l'écrivain prend racine à travers son pays d'origine et son lieu d'accueil. Les influences et l'inspiration peuvent provenir de partout, mais son oeuvre puise à la source de sa propre culture et l'alimente par le fait même. Peu importe le chemin que l'on prend, il y a toujours un reflet de ce que nous sommes à travers nos créations.

Quels auteurs vous ont fait découvrir des cultures que vous ne connaissiez pas ou ont élargi votre vision du monde?

Avec ses livres Pyongyang, Chroniques birmanes et Chroniques de Jérusalem, le bédéiste Guy Delisle m'a fait découvrir des cultures lointaines et peu accessibles. L'auteur ne nous décrit pas du tout ces pays sous le même angle que celui des journalistes et de l'actualité. Avec une certaine candeur, il nous fait vivre ces lieux par le biais du quotidien. Marjane Satrapi, avec son célèbre Persepolis, nous emmène quant à elle à Téhéran pendant la révolution islamique. C'est un plongeon dans l'histoire qui nous aide à mieux saisir comment sont vécues certaines problématiques.

Selon vous, qu'est-ce qu'un lecteur apprend sur lui-même quand il se rend au bout d'un livre?

Lire un livre, c'est accéder à la vision d'un auteur. Que l'on y adhère ou pas, cela permet au lecteur d'élargir sa façon de voir le monde et la vie. C'est fantastique d'entrer si facilement dans la pensée et l'imagination des autres. Je pense que les livres sont des rencontres avec les autres et avec soi. Ils nous transforment et nous aident à atteindre notre propre liberté de pensée.

Un salon du livre offre l'occasion de rencontrer les écrivains. Pourquoi, à votre avis, les lecteurs ont-ils envie de voir en chair et en os ceux qu'ils lisent? Que retirez-vous vous-même de ces rencontres?

La lecture offre une proximité particulière au lecteur. Lorsque la rencontre littéraire est forte, je pense qu'on peut facilement développer une impression de complicité et un désir d'échanger avec le créateur. Ça devient attrayant pour le lecteur de savoir que son auteur est soudainement disponible pour une réelle rencontre. Pour moi, c'est toujours un plaisir de partager ma passion de l'écriture et de l'illustration avec le public. Ça me sort de la solitude du travail et ça renforce le sens que je donne à mon métier.

Quel est votre principal souci comme auteur lorsque vous écrivez pour la jeunesse?

Lorsque je lis, mon désir principal ne s'arrête pas au divertissement, je cherche à être alimenté par les idées, par les réflexions et par la sensibilité de l'auteur. Lorsque je fais un livre pour la jeunesse, j'ai le réflexe de semer ces éléments chez les lecteurs. Peu importe leur âge.

Est-ce que, comme le titre d'un de vos livres, vous êtes une sorte de «monstre qui aime trop lire»?

J'ai appris à aimer les livres tard. Je réalise combien le plaisir croît avec l'usage. Alors, je dirais que je suis ce monstre qui n'aimera jamais assez lire.

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Rogé présentera les dessous de la fabrication d'un livre mercredi à midi au Carrefour Desjardins et le projet entourant son album Mingan, mon village (Prix des libraires 2012) jeudi à 10h au Carrefour Desjardins. Il participera à L'heure du conte en pyjama dimanche à 10h à l'Espace Archambault et répondra aux questions de Danielle Vaillancourt lundi à 10h dans le cadre de Confidence d'écrivain au Carrefour Desjardins.