Professeure de philosophie au collège Montmorency, Annie-Claude Thériault a reçu cette année le Prix des lecteurs de Radio-Canada et le prix Jacques-Poirier pour son premier roman, Quelque chose comme une odeur de printemps, aux Éditions David.

De la littérature, on a souvent dit qu'elle permet de voyager sans sortir de chez soi. Est-ce selon vous le meilleur moyen, à la portée de tous, pour découvrir le monde?

Je ne sais pas... pour découvrir le monde, il n'y aura sans doute jamais rien de mieux que d'aller y marcher un peu réellement. Mais pour avoir accès à toutes ses nuances, pour passer de Montréal à Paris à Shanghai en une heure, pour avoir un condensé de ce qu'est l'être humain, pour le voir dans son extrême laideur et son extravagante splendeur, alors là, là, la littérature est imbattable. Même une vie de voyage ne permettrait pas cela!



À quel pays ou à quelle culture appartient véritablement un écrivain, à votre avis? La littérature est-elle un «autre pays»?

Un pays a besoin de frontières pour exister. Les frontières de l'écrivain sont la langue, les mots. S'il fallait que l'écrivain ait un pays, ce serait donc celui de sa langue. Ce n'est finalement pas bien différent de n'importe qui d'autre! Il me semble que la littérature n'est pas «un autre pays», ce n'est pas un monde à part. C'est une partie intégrante de nous, de tous, le coeur même d'une culture ou d'un pays.



Quels auteurs vous ont fait découvrir des cultures que vous ne connaissiez pas ou ont élargi votre vision du monde?

Patrice Desbiens, Jean-Marc Dalpé, Réjean Ducharme, Émile Nelligan: on se connaît si peu soi-même! Pour l'ailleurs, je dirais Donna Tartt, Muriel Barbery, Rawi Hage, Dostoïevski. Si je cherche à comprendre de façon limpide le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, j'ouvre nécessairement un livre de Pierre Manent.



Selon vous, qu'est-ce qu'un lecteur apprend sur lui-même quand il se rend au bout d'un livre?

Rien. Il vient enfin, l'instant d'un livre, de s'oublier lui-même.



Un salon du livre offre l'occasion de rencontrer les écrivains. Pourquoi, à votre avis, les lecteurs ont-ils envie de voir en chair et en os ceux qu'ils lisent? Que retirez-vous vous-même de ces rencontres?

La passion. On aime une histoire, un univers, des idées. On en veut encore, plus. Rencontrer l'auteur est une fenêtre additionnelle. C'est viscéral. Il y a quelque chose de très intime entre un créateur et son oeuvre. Le lecteur sait, sent cela, et cherche à y avoir un peu accès lui aussi. Pour ma part, rencontrer les lecteurs m'en a appris plus sur ma propre écriture et sur mon roman qu'une année complète les mains dedans. Moi, je l'ai assez lu et vu, ce livre, mais le regard de l'autre, lui, sera toujours nouveau.



Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous étiez la lauréate du Prix des lecteurs de Radio-Canada pour votre premier roman?

«Oh non, je vais devoir aller sur la scène!» Mais j'ai rapidement aperçu les sourires heureux des membres du jury et j'ai plutôt pensé: «Wow! Ils ont voulu récompenser mon roman... Ils l'ont aimé.» J'étais émue.

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Annie-Claude Thériault participera à Confidence d'écrivain vendredi à 15h30 au Carrefour Desjardins et à la table ronde Autofiction ou imagination?, dimanche à 15h30 à l'Espace Archambault.