Le 35e Salon du livre de Montréal ouvre aujourd'hui. Et ça va se bousculer au stand 19, qui accueille l'invitée d'honneur Mélanie Watt, créatrice de Frisson et Chester, héros parmi les plus politiquement incorrects qui soient de la littérature jeunesse. Qui aurait pu penser que la névrose d'un écureuil ou la mégalomanie d'un chat puissent être aussi drôles?

En 2007, six ans après ses débuts comme illustratrice et auteure, Mélanie Watt lance un album mettant en vedette le paranoïaque-obsessif-compulsif et néanmoins touchant Frisson l'écureuil (Scaredy Squirrel, en version anglaise). Peu après, elle reçoit un long courriel. C'est l'un des scripteurs du très populaire talk-show américain The Daily Show with Jon Stewart: pour Noël, il a offert le livre de Scaredy Squirrel à chacun des membres de l'équipe à New York, il adore le petit rongeur «control freak» et le trouve hilarant. Il offre donc son soutien à Mélanie si elle en a besoin! «Je capotais», dit simplement la jeune femme.

Inutile de préciser que personne du Daily Show ne faisait pourtant partie du groupe d'âge cible de Frisson: les 3 à 8 ans!

Quoique l'âge n'ait rien à faire quand vient le temps de raconter, lire ou regarder les livres écrits et dessinés par Mélanie Watt. Que ce soit la série des Frisson ou celle des Chester (un matou mythomane ET mégalomane, rebelle à tout crin!), tout le monde y trouve son compte. En tous cas, 2,3 millions d'acheteurs l'y ont trouvé depuis 2001.

Car impossible de ne pas rigoler en regardant Chester le chat qui chipe à Mélanie Watt son marqueur rouge (symbole d'autorité par excellence, devenu ici symbole de liberté) pour commenter la page couverture et dessiner lui-même les aventures qu'il juge dignes de son statut: «Les plus petits l'adorent et certains dessinent, par exemple, le directeur de leur école, ligoté par Chester!»

Et comment résister aux innombrables listes que prépare Frisson pour tout planifier, puis replanifier, puis rereplanifier, ainsi que ses plans de secours, ses graphiques, etc. C'est particulièrement vrai du plus récent livre de Mélanie Watt, qui n'est pas un conte, mais bien un «guide de sécurité pour les stressés» «qui ne s'adresse pas aux casse-noisettes», intitulé Frisson l'écureuil se prépare pour Noël!

«Les enfants qui ont été fans de mes premiers albums sont maintenant des pré-ados et des ados, explique Mélanie. Et c'est en pensant à eux que j'ai eu envie d'écrire un guide qui les intéresserait eux aussi.»



Pour évaluer si ce «guide» s'adresse bien à vous, Frisson propose notamment un questionnaire de Noël: «Le temps des Fêtes me rend a) heureux (0 point), b) joyeux (0 point), c) nerveux (1 point)». Ou «Mon arbre doit être a) naturel (0 point), b) en plastique (0 point), c) sans bactéries (1 point).» Bref, ça donne des points d'être fataliste, phobique et angoissé!

Et tout ça dans une langue d'ici: Frisson parle de «carte-cadeau de Dolloranoix» ou de vêtements de Noël de «style académique, bolé».

«Je veux pouvoir m'identifier à mes livres en tant que francophone d'Amérique du Nord, explique l'auteure-illustratrice. Moi, j'aime ça dire du chasse-bibittes, des sent-bon ou un centre d'achats plutôt que centre commercial. C'est comme ça qu'on parle et c'est ça qui est drôle. J'aime l'humour comme celui de la sitcom Seinfeld, par exemple l'épisode consacré au double dipping , à mourir de rire. J'ai donc décidé moi aussi de parler des doubles trempeurs dans le guide de Noël parce que c'est une réalité ici .»

En effet, les Québécois et autres Nord-Américains qui plongent leur chip dans une trempette, en croquent un morceau et le replongent ensuite dans la trempette, mêlant joyeusement bactérie salivaire et crème sûre, sont nombreux. Ailleurs aussi. Mais l'Europe, elle, n'a pas baptisé le phénomène!

Si l'auteure-illustratrice aime autant l'humour anglophone, c'est qu'elle est parfaitement bilingue depuis l'enfance. En raison du métier de son père, elle a déménagé plusieurs fois: à Calgary (à 8 ans), à Toronto, à Québec...

Elle réalise donc les versions anglaises et françaises de ses albums, simultanément, partant généralement d'une idée plutôt que d'un texte ou d'un dessin. Et c'est la société qui l'inspire: «La société, les médias, l'hyper-protection, l'idée de perfection, c'est partout. Maintenant, quand on achète du dentifrice, c'est pour avoir les dents propres, mais aussi super blanches! Alors, quand un enfant qui lit mes livres dit: Ben voyons donc, ça n'a pas d'allure, telle ou telle peur de Frisson , c'est ce qui me fait le plus plaisir parce qu'on peut commencer à parler de l'influence qu'ont les autres, les médias, la publicité, la société.»

Et on peut même accepter ses propres contradictions. Mélanie Watt le reconnaît, elle est ravie qu'il y ait désormais des distributeurs de savon antibactérien partout. «Et il va y en avoir sur ma table au Salon du livre, c'est sûr», conclut-elle en riant!

___________________________________________________________________________

Mélanie Watt, aujourd'hui, 10 h et 11 h, et demain, 11 h, en entrevue publique; samedi et dimanche, de 13h à 14h30, au stand 19 du Salon; dimanche, 10 h, pour L'heure du conte en pyjama.

Mélanie Watt