C'est le genre de trip qu'on ne vit presque jamais. Parce que de toutes les façons, tant d'émotion, de grâce, de vie, d'intensité, serait insupportable au quotidien.

Mais si ça se passe comme ça dans son coeur, dans sa tête à lui, à Loui Mauffette, je compatis. Je l'envie aussi. Vivre avec tous ces feux d'artifice, je ne sais pas comment il fait. Mais une chose est certaine: je suis contente qu'il ait décidé de faire du théâtre avec ça. Enfin, si on peut appeler ça du théâtre. Une fête, peut-être, serait le terme plus approprié. Une célébration des sens. Un party de poètes. Une sorte d'orgie où Andrée Lachapelle rassure avec son sourire d'ange que rien n'étonne, les «petits garçons» étendus au sol, lassés par trop de plaisir solitaire...

 

Je ne vais pas vous résumer tout ce qui se passe dans Dans les charbons. Parce que franchement, ce serait réduire à bien peu de choses ce merveilleux chaos où Jacques Poulin nous prend doucement par la main avant de nous propulser dans les bras fougueux de Geneviève Desrosiers, Patrice Desbiens, Marie Uguay, Leonard Cohen... Et j'en passe des plus trash, des plus tendres, des plus tordus...

Si Loui Mauffette n'existait pas, il faudrait l'inventer. Après toutes ces années à s'occuper des autres comme attaché de presse du TNM, son amour du théâtre, des poètes et des acteurs devait enfin vivre sur une scène.

Oui, oui, je sais bien, il y a eu Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent avant... Mais Dans les charbons, c'est spécial. C'est le spectacle qui inaugure le nouveau Quat'Sous. C'est le bébé de Loui Mauffette, mais aussi celui de Francis Ducharme, de Clara Furey, de Dominic Champagne, d'Éric Jean... Je vous jure qu'il y a une magie dans le regard d'Adèle Reinhardt coiffée d'une perruque en forme de pièce montée, qui joue avec de la dentelle surannée la maman déjantée du petit Loui (l'adorable Antoine L'Écuyer.)

Quelque chose de sacré. D'initiatique. De cosmique.

Baptiser le nouveau théâtre avec une Clara Furey omnipotente et omnisciente, qui joue du piano à poil, c'est dans l'ordre des choses. Fallait se fier à Éric Jean pour donner à ce théâtre l'avenir qu'il mérite.

Je n'exagère pas, en disant qu'on ne voudrait jamais qu'elle finisse, cette stonerie poétique. Même si la scène est trop étroite pour contenir telle tempête, on voudrait toujours regarder Francis Ducharme et Clara Furey danser les gestes de Daniel Desnoyers. Et il y a Kathleen Fortin qui vous arrache les tripes en rugissant du Richard Desjardins. Et Nathalie Breuer, exquise en vacancière balnéaire disant du Évelyne de la Chenelière.

La comédienne Émilie Gilbert ne sera jamais aussi parfaite qu'avec un chapeau de fête sur la tête, racontant boires, déboires et autres peines de coeur. Puis Francis Ducharme, qui a l'intelligence de la réserve, parce que oui, Francis, tu le sais qu'on le sait... Mais on ne savait pas qu'en duo avec une fille et un piano, tu étais tellement...

Mais il ne fallait pas en rester là, à regarder les autres se donner tant de bien pour dire tout l'amour que Loui pense de nous. Il fallait inviter les gens à fouler les planches, parce qu'on ne peut pas juste se lever, applaudir et rentrer chez soi, après tant d'extase.

Et puis il finit, en nous disant un truc comme «dans la vie, on ne peut pas tout avoir, mais on peut tout donner». Et puis on retourne chez soi, un peu plus humain, avec des confettis dans les cheveux et de la braise dans les yeux.

Dans les charbons, idée originale et direction artistique de Loui Mauffette, jusqu'au 25 mai au Quat'Sous.